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REVUE. – CHRONIQUE.

pas s’appliquer à concilier les deux classes ennemies qui peuplent cette grande ville. La France compte parmi ses plus dispendieuses institutions un ministère du commerce, ministère tout pacifique de sa nature ; qu’a-t-on fait pour Lyon dans ce ministère ? Les ouvriers étaient mécontens de leur situation ; les octrois, les impôts municipaux pesaient cruellement sur eux et absorbaient une grande partie de leur salaire ; a-t-on seulement daigné leur laisser entrevoir une diminution d’octrois ? Non ; on a préféré les faire menacer d’une destruction complète par les journaux ministériels. On se sentait au côté l’épée de la France, qu’elle a remise aux mains du roi de juillet pour assurer le repos de tous, et l’on s’en est servi pour frapper sur la tête de ceux qui réclamaient leur part de repos et de bien-être. C’est la réponse à tout ; le pouvoir veut être fort, et il se fait brutal. À Lyon comme partout, il a repoussé des plaintes qu’il pouvait entendre sans s’abaisser, et son insouciance et son égoïsme ont changé en menaces ces humbles plaintes. Dès lors sans doute il était de son devoir de résister et d’opposer la vigueur à ces menaces, mais il était aussi de son devoir de les prévenir et de ne pas les faire naître, et ce devoir, nous ne craignons pas de dire qu’il ne l’a pas rempli. On a dit mille fois, et il faudra bien le croire, que le ministère compte faire ses campagnes d’Égypte et d’Italie dans les rues de Paris et de Lyon, pour imposer silence à ceux qui lui allèguent que ce n’est qu’après des victoires gagnées qu’on peut arriver à un pouvoir sans bornes.

On a beaucoup désapprouvé le projet de loi contre les associations, dont la promulgation est signalée par des événemens si funestes. Dans la position où s’est placé le pouvoir, nous ne saurions le blâmer d’avoir forgé cette arme pour se défendre, car il est certain que son existence est menacée par les associations politiques. Mais qui les a fait naître ? Qui les a irritées ? Qui les a grossies à ce point ? N’est-ce pas le pouvoir qui a affecté tant de mépris pour les demandes, d’abord justes et raisonnables, de ces hommes sortis depuis, il faut le dire, de toutes les limites de la justice, de l’humanité et de la raison. C’est encore à la manie des batailles et des victoires que sont dus les désordres des associations et leur attitude menaçante. Le pouvoir crée, comme à plaisir, des ennemis et des conspirateurs, et au moment du danger, il tremble et appelle la France au secours, bien sûr qu’elle viendra le défendre. C’est ce qu’elle fait en ce moment. Les éloges que le ministère a donnés à l’armée de Lyon n’étaient pas nécessaires pour nous apprendre que l’armée ferait son devoir tout en gémissant de la tâche à laquelle on la condamne. À Paris, la masse de la population s’est montrée, comme partout, amie de l’ordre. Elle agirait encore ainsi, nous n’en doutons pas, même si le ministère obtenait les lois d’ex-