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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

la chose était impossible. Mais il reçut bientôt un second message encore plus menaçant : « Si vous n’expulsez aujourd’hui même l’ennemi du roi, je vais détruire tout ce qu’il y a de verdoyant à une lieue autour de la ville, si bien que la charrue pourra y passer. »[1]. L’évêque Grégoire ne fut pas moins impassible que la première fois ; et Rokkolen qui, selon toute apparence, avait trop peu de monde avec lui pour tenter quelque chose de sérieux contre la population d’une grande ville, se contenta, après tant de jactance, de piller et de démolir la maison qui lui servait de logement. Elle était construite en pièces de bois réunies et fixées par des chevilles de fer que les soldats manceaux emportèrent, avec le reste du butin, dans leurs havresacs de cuir[2]. Grégoire de Tours se félicitait de voir finir ainsi cette rude épreuve, lorsque de nouveaux embarras lui survinrent, amenés par une complication d’événemens impossible à prévoir.

Gonthramn-Bose présentait dans son caractère une singularité remarquable. Germain d’origine, il surpassait en habileté pratique, en talent de ressources, en instinct de rouerie, si ce mot peut être employé ici, les hommes les plus déliés parmi la race gallo-romaine. Ce n’était pas la mauvaise foi tudesque, ce mensonge brutal accompagné d’un gros rire[3] ; c’était quelque chose de plus raffiné et de plus pervers en même temps, un esprit d’intrigue universel, et en quelque sorte nomade, car il allait s’exerçant d’un bout à l’autre de la Gaule. Personne ne savait mieux que cet Austrasien pousser les autres dans un pas dangereux et s’en tirer à propos. On disait

  1. Quod si non faceremus, et civitatem, et omnia suburbana ejus juberet incendio concremari. Quo audito mittimus ad eum legationem, dicentes : hæc ab antiquo facta non fuisse, quæ hic fieri deposcebat… Sed (Roccolenus) mandata aspera remittit dicens : nisi hodie projeceritis Guntchramnum ducem de basilicà, ità cuncta virentia quæ sunt circà urbem atteram, ut dignus fiat aratro locus ille. Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 235.
  2. Cùm in domo ecclesiæ ultrà Ligerim resideret, domum ipsam quæ clavis adfixa erat, disfixit. Ipsos quoque clavos Cenomannici, qui tunc cum codem advenerant, impletis follibus portant, annonas evertunt et cuncta devastant. Greg. Turon., ibid.
  3. Ipsis prodentibus Francis, quibus familiare est ridendo fidem frangere. Ex Flavio Vopisco, apud script rerum francic., tom. i, pag. 541.