Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
UN VAISSEAU À LA VOILE.

Les radeaux et les navires ne servirent pas tout d’abord à des usages bien distincts, ne se différencièrent pas les uns des autres par des propriétés essentiellement différentes. L’historien déjà cité nous apprend qu’avant que cela fût, bien des années durent s’écouler. « Dans la treizième génération, dit-il, les descendans des Dioscures, ayant construit des navires et des radeaux, naviguèrent. » Sans mature et sans voilure, le navire ne pouvait encore beaucoup différer, en effet, du radeau, dont il venait à peine de sortir. Avant de s’élancer dans les airs, brillant et radieux, le papillon rampe ainsi pendant quelques instans sous les débris de la grossière chrysalide qui naguère l’enveloppait tout entier.

Le premier navire de grande dimension qui apparaît dans les mers de la Grèce est monté par Sésostris ; le conquérant se rendait en Thrace. Des multitudes d’autres vaisseaux, construits sur ce modèle, ne tardent pas à sortir des industrieuses mains des Hellènes ; mais dans leurs mains il devient en même temps plus rapide, plus léger, plus propre à fendre rapidement les flots, pour fondre à l’improviste sur les riches vaisseaux marchands de l’Égypte et de la Phénicie. Dès son enfance, la Grèce trahissait ces instincts de guerre et d’aventures maritimes qu’après tant de siècles nous retrouvons en elle aussi vifs, aussi indomptables qu’aux premiers jours du monde. Les compagnons d’Ulysse, d’Achille et de Ménélas ne diffèrent guère, sous ce rapport, de ceux de Miaulis et de Canaris ; tant cette sorte de guerre, si remplie d’aventures et de périls, a plu de tout temps aux hommes de cette contrée ! Dans le palais de Ménélas, l’or, l’argent, l’ivoire, la pourpre, brillent avec une profusion dont s’étonne Télémaque sorti depuis peu de sa pauvre Ithaque : « fils de Nestor ! dit-il à l’oreille de son compagnon, ô toi le plus cher de mes amis ! quel éclat ! quelle magnificence ! Ainsi brille sans doute dans l’Olympe le palais où Jupiter assemble les dieux. » Mais la naïve exclamation du jeune homme a été entendue de Ménélas ; il se hâte de lui apprendre que c’est au prix de mille fatigues, de mille périls, de mille courses sur mer, qu’ont été conquis tous ces trésors.

À cette époque, douze cents vaisseaux de construction grecque vont aborder aux pieds de la cité d’Hector et de Priam. Les plus petits de ces vaisseaux, ceux de Philoctète, portent cinquante