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hommes, et les plus grands, ceux des Béotiens, cent vingt ; le reste tombe entre ces limites extrêmes. Cinquante rameurs font mouvoir les navires de cette seconde espèce, et le nombre des rameurs exprimera pendant long-temps les plus grandes dimensions qu’il soit possible de donner à aucune sorte de navire. Alcinoüs ordonne-t-il qu’on prépare pour Ulysse le meilleur et le plus grand de ceux qui se trouvent dans ses ports, ce sera cinquante rameurs que nous verrons s’asseoir sur les bancs de ce navire. Le poète n’en aura pas moins recours à toute la magnificence de ses comparaisons, pour nous peindre la vitesse et la rapidité de sa marche. « Tels, dans la vaste arène, quatre coursiers généreux excités par l’aiguillon partent à la fois, et, dressant leurs têtes altières, emportent rapidement un char au terme de sa course ; tel le vaisseau d’Ulysse court sur la plaine liquide, la proue élevée, tandis que derrière la poupe roulent et bouillonnent les flots écumeux avec un mugissement sonore. L’aigle lui-même est moins rapide dans les plaines de l’air. » Plus merveilleux encore devait être sans doute le vaisseau des Argonautes, monté qu’il fut par tant de héros, célèbre par tant de glorieuses aventures, chanté d’âge en âge par tant de poètes aux harmonieuses paroles ; mais à la construction de ce navire, le mythe et le symbole ont tellement mis du leur, qu’on ne saurait plus faire la part à la vérité historique. On ne sait trop comment, sous quelles formes se le représenter : on est plus disposé à le chercher dans les plaines azurées du ciel qu’au milieu des vagues qui bruissent contre nos rivages. Dans la guerre de Troie, au contraire, l’histoire, la réalité, bien qu’encore revêtue de la brillante robe du mythe, se laissent pourtant déjà voir assez distinctement.

Dans les siècles suivans, les rivages de la Méditerranée tout entière deviennent tributaires des hardis navigateurs de la Phénicie. Les premiers, franchissant les colonnes d’Hercule et pénétrant dans le grand Océan, ils s’en vont semer çà et là leurs colonies sur les rivages éloignés. Dans une de ces excursions, leurs vaisseaux se trouvent tellement surchargés de métaux et d’étoffes précieuses, qu’ils imaginent, dit-on, d’attacher à leurs ancres des lingots d’or et d’argent qu’ils ne savent plus où mettre ailleurs. Les premiers ils font le tour de l’Afrique, partant de la mer Rouge et revenant