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REVUE. — CHRONIQUE.

phique ; mais personne mieux que M. de Talleyrand ne pouvait savoir que lord Melbourne, en sa qualité de secrétaire d’état de l’intérieur, était l’agent direct et naturel du souverain pour toutes les affaires, et que d’ailleurs l’affection personnelle que lui porte le roi l’a toujours admis à une intimité dont les conséquences politiques ne sont pas grandes. On sait en Angleterre que lord Melbourne, ainsi que sir Ch. Lamb, envoyé à Vienne, est neveu du roi actuel, par George iv et lady Lamb, sa mère. Sir Peniston Lamb, père du secrétaire d’état de l’intérieur, ne fut créé lord et gentilhomme de la chambre du prince de Galles qu’en 1781, et n’entra qu’en 1815 à la chambre des pairs. Lord Melbourne restera sans doute dans le ministère où il est plus spécialement l’homme du roi ; mais ne possédant pas un de ces grands talens qui aplanissent tout, sa situation n’est pas assez élevée pour qu’il soit appelé à composer un cabinet.

On a dû remarquer que le nom de lord Brougham n’a pas même été prononcé dans toutes les combinaisons qu’on a faites. Lord Brougham a cependant modifié d’une manière sensible les opinions politiques qu’il avait professées, lorsqu’il n’était que simple membre du barreau. Le contact des hautes affaires a diminué, non pas sa rudesse, mais l’exigence de son whigisme et de ses vues de réforme ; toutefois lord Brougham a conservé, sur le ballot de laine, l’esprit étroit de la robe ; sa violence y a en quelque sorte augmenté, et sa haine contre la noblesse, dont il a voulu pourtant faire partie, y a éclaté avec plus de force. On n’admettra donc jamais lord Brougham comme membre dirigeant du cabinet ; ce serait déclarer une guerre à mort à la chambre des lords sans satisfaire le parti populaire, qui, en Angleterre, a assez de bon sens pour sentir qu’il ne fera jamais ses affaires en les confiant aux avocats. Aussi les hommes d’état anglais ne pouvaient-ils assez témoigner leur étonnement, en apprenant qu’il avait été sérieusement question de confier la présidence du conseil à M. Dupin, qui ressemble tant à lord Brougham. C’est une idée qui nous fait peu d’honneur chez nos voisins.

Sir Robert Peel, homme fort estimé en Angleterre, en dépit de ses variations, ne recueillera pas non plus la succession de lord Grey, grâce à la franchise de lord Melbourne, qui a déclaré au roi que le cabinet se retirerait en masse, s’il persistait à faire un tel choix. Une autre raison a été donnée sans doute au roi d’Angleterre : c’est que ce serait perdre la partie devant le pays que d’ouvrir trop largement la porte aux tories. Il est bien convenu dans les hautes sphères qu’on leur doit toutes sortes de ménagemens, que les intérêts de la couronne sont inséparables des leurs, qu’il faut les consulter souvent, que les membres du cabinet eux-mêmes doivent être choisis exclusivement parmi ceux qui ont des liens et