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développement historique, sont partiels, inégaux, irrégulièrement progressifs ; l’échelle des idées et l’échelle des faits doivent être constamment sous nos yeux dans le parallélisme de leurs différences :

Il n’y a de positif que ce qui est idéal,
Il n’y a qu’un droit.

Deux propositions que l’histoire justifiera ; colonnes du monde moral.

ii.

Les traditions de l’humanité sont foncièrement vraies. Écrites et rédigées, quand les sociétés sont assises, elles associent la naïveté et la réflexion, l’allégorie et la réalité, les illusions poétiques des premiers âges, et cette autre poésie, sœur de la philosophie, poésie qui comprend et anime tout, trouvant la puissance d’unir étroitement le symbole et la pensée. Il faut donc se servir avec discernement des traditions pour reconstruire l’histoire de l’humanité.

Les traditions hébraïques plus nouvelles, moins compliquées et plus simples que les traditions indostanes et égyptiennes, concordent avec les sentimens des autres peuples, en nous montrant l’homme et le monde débutant par l’innocence. Quand cet âge d’or se fut laissé ternir, le règne de la force brutale commença, époque des géans[1]. Le châtiment ne tarda pas à suivre, époque du déluge. Voilà les préludes de l’histoire du genre humain, voilà comment il s’est représenté ses premiers jours, voilà ce qu’il prend pour des souvenirs.

Mais l’histoire commence sur la terre encore trempée des eaux

  1. Quelques auteurs, entre autres Boulanger (Antiquité dévoilée), ont considéré la gigantomachie comme un emblème des révolutions subies par la nature. Sans répudier entièrement cette explication, nous préférons de notre côté voir dans la fable des géans le règne de la force brutale avant l’intervention du droit.