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Les mœurs des barbares étaient indépendantes, âpres, diverses entr’elles, peu dociles à l’uniformité des règles religieuses, et menaçant toujours de défigurer le christianisme par d’irrégulières pratiques. Les opinions n’étaient pas moins divergentes que les mœurs ; et les choses de la foi devenaient l’objet des commentaires les plus différens. Ce conflit de mœurs et d’idées rendait nécessaires la conception et l’établissement d’une unité morale ; aussi, rien de plus naturel et de plus grand que l’élévation successive de la papauté. Mais le problème était grave à résoudre : fonder et maintenir en Europe une magistrature spirituelle qui se fît obéir dans les choses divines des barbares et des docteurs, des clercs et des rois, qui pût ramener à la règle les licences de la féodalité et les écarts de la théologie et procurer à l’unité une domination mystique, voilà le thème légitime des prêtres qui se succédèrent au Vatican. Mais tout s’altéra dans l’exécution ; de l’empire spirituel, on conclut à l’empire politique ; cette théocratie, qui devait être si idéale et si pure, fabriqua de fausses pièces pour devenir propriétaire ; les passions débordèrent ; le génie, l’audace, la licence, la ruse, l’ambition, la perfidie, se mêlèrent par d’étranges combinaisons, et de grandes comédies furent données au monde. La papauté romaine fut une magnifique tentative vaincue à la fois par les obstacles qu’elle rencontra, par l’indépendance des nationalités et des mœurs, par la liberté des opinions et de l’esprit humain, par ses propres erreurs, ses prétentions fausses, ses ambitions indignes et temporelles, par les rebellions intestines de ses propres enfans, par des révoltes d’idées qui furent la gloire du génie moderne. Cette théocratie eut d’ailleurs à compter avec une représentation démocratique qui la gênait, je veux parler des conciles. Là on débattit au quatrième siècle tout ce qui peut intéresser l’humanité. La foi et la raison combattirent, parce qu’alors on vivait dans cette illusion de les croire ennemies ; la foi l’emporta à une faible majorité. L’esprit grec aima les conciles ; le génie romain les redouta ; il les convoquait irrégulièrement, contestait leurs prérogatives, disputait contre eux la souveraineté ; les papes semblaient prévoir que ces parlemens ou plutôt ces conventions du christianisme les déposeraient un jour et les décapiteraient de la tiare. Quels sont donc les résultats laissés par la théocratie romaine ? Sa législation canonique fut