Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

peu puissante ; elle régla seulement les rapports civils et les intérêts temporels du clergé, et encore avec le secours et le patronage du droit romain dont elle imita servilement les formes ; mais elle ne changea ni les idées ni les mœurs de l’Europe, inférieure à l’efficacité de la philosophie moderne. L’éducation du clergé fut dirigée par elle ; mais l’éducation des laïcs lui échappa, et la milice des jésuites vint offrir trop tard son dévouement et sa médiocrité. Qu’a donc fait la théocratie romaine ? Elle a fait le prêtre, elle a séparé le ministre de l’église des affections et des liens de la famille, et ne lui a plus permis que la charité du genre humain ; elle l’a contraint de rester vierge pour qu’il soit plus ardent, célibataire pour qu’il soit plus libre ; elle l’a fait l’homme du pape, de l’Église et de Dieu, elle l’a marqué d’un signe indélébile et fatal qui le rend au milieu de ses semblables solitaire et sacré.

Le génie de la théocratie est de mettre Dieu dans les choses humaines : il est grand, il affecte les hauteurs de la spéculation et de la pensée, et il exige de l’homme un pénible effort pour s’élever au ciel. Il a commencé l’histoire du monde, il en a été l’enveloppe et le sanctuaire et il a failli y étouffer la liberté ; mais la liberté plus forte a contraint la théocratie de se rasseoir immobile sur son autel ; elle est sortie du temple et s’est montrée aux hommes.

viii.

La monarchie repose sur une idée moins générale que la théocratie : imitation des formes de la famille, elle eut quelque chose de domestique même dans les plus grands empires ; son esprit fut d’imprimer aux sociétés l’unité politique, de rendre le pouvoir exécutif stable, perpétuel, et de lui tout attribuer. L’intérieur des monarchies asiatiques de l’antiquité nous est peu connu : nous y distinguons néanmoins la confusion du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif, de la justice et de l’éducation[1] dans la même main. Le despotisme y est absolu en principe et n’est éludé que par l’iné-

  1. Voyez les conseils que Crésus donne à Cambyse pour amollir les Lydiens ; il lui indique les moyens de changer leur éducation.