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UNIVERSITÉS ALLEMANDES.

Elle est ouverte chaque jour au public, mais chaque jour, hors des heures déterminées, un professeur peut avoir les ouvrages qu’il désire, et sur la signature d’un homme un peu connu, un étudiant peut emporter chez lui autant de livres que bon lui semble. Il arrive souvent même que des professeurs de Leipzig, de Berlin, ou d’autres villes encore plus éloignées, se font envoyer des livres jusque chez eux, et je ne sache pas que l’on en ait jamais perdu. On peut croire aussi que les trésors de cette bibliothèque doivent être soigneusement conservés, quand on trouve parmi les savans préposés à leur garde des hommes tels que Reuss, Benecke, et les deux frères Grimm, inscrits comme second et troisième bibliothécaires.

L’un des grands avantages de l’université de Goettingue, et l’on pourrait dire celui d’où découlent tous les autres, c’est d’avoir été placée sous la protection d’un gouvernement qui a su comprendre ce qu’elle valait, et qui a sans cesse pris à tâche de lui donner plus de relief. Dès le jour où elle fut créée, elle devint l’objet particulier de l’attention de George ii, et ses successeurs n’ont jamais démenti ce noble sentiment. Le roi d’Angleterre est encore aujourd’hui son recteur magnificentissimus, ses fils viennent ici faire une partie de leurs études, et il n’ignore rien de ce qui peut élever plus haut une des branches de la science, récompenser le mérite d’un professeur. Mais un demi-siècle après sa fondation, cette université s’était déjà acquise une telle célébrité qu’elle pouvait se soutenir elle-même, et passer impunément à travers les révolutions. En 1792, le général Custine se hâtait de lui envoyer une sauve-garde. En 1803, Berthier écrivait à Heine : « Le premier consul sait apprécier les services que l’université de Goettingue a rendus aux lettres, et les droits qu’elle s’est acquis à la reconnaissance des savans. Que le bruit des armes n’interrompe pas vos paisibles et utiles travaux ! L’armée française accordera une protection spéciale à vos établissemens. Son général en a reçu l’ordre et aura un grand plaisir à l’exécuter. Vous pouvez en donner l’assurance à tous les membres de votre université que le premier consul honore d’une grande estime. »

Goettingue obtint la même distinction du gouvernement westphalien ; Jérôme respecta les privilèges de l’université, et son ministre Jean de Müller n’était pas homme à les restreindre.

De cette faveur des gouvernemens, de cet esprit éclairé qui veillait à son administration, résulta pour Goettingue le grand, le vrai principe de vie. L’enseignement jouit d’une liberté complète, les étudians eurent leurs privilèges, les professeurs eurent aussi les leurs, et il faut compter, entre autres, celui d’être exempts, pour les livres qu’ils publient, de toute