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La régence d’Alger politiquement dominée, pendant trois siècles, par huit mille Turcs et par un dey, dont le revenu n’atteignait pas, dans les derniers temps, 2,500,000 fr. ; une province entière maintenue en paix, durant cinquante-quatre ans, par une compagnie d’étrangers dont cinquante soldats formaient toute la force militaire ; ces deux puissances, en apparence si frêles, ne pouvant être arrachées du pays, l’une, que par la brutalité de la Convention, l’autre que par l’effort des armes de la France, tout cela renferme d’assez hautes leçons sur le système à suivre à Alger. La destinée des Espagnols à Oran nous indique les écueils à éviter ; en un mot, l’histoire du passé, l’expérience du présent, tout nous crie que nous ne saurions nous approprier l’Afrique et la civiliser que par le concours de l’organisation politique des Turcs, et du développement des relations commerciales.

Les Turcs, dit-on, avaient sur nous un immense avantage. La communauté de croyances leur attachait les indigènes par le plus puissant de tous les liens, tandis que la loi des populations musulmanes leur prescrit de ne voir en nous que des ennemis. Il ne faut pas plus s’exagérer la gravité de l’obstacle qu’il ne faut se la dissimuler.

D’une part, la religion n’a jamais empêché les sectateurs de Mahomet, ni de se faire la guerre entre eux, ni de contracter des alliances profitables avec ceux qu’ils traitaient d’infidèles. L’espace de 1792 à 1830 est occupé par de fréquentes alternatives de trêves et de combats entre les Arabes du beylick d’Oran et les Turcs, et les Maures se déclarent pour nous, en 1830, à notre entrée à Alger et à Bône. En 1820, la population de Collo chasse les janissaires, se déclare indépendante, puis redemande au dey une garnison, afin de rappeler chez elle le commerce français, que ses troubles en avaient éloigné ; en 1831, les habitans de Bougie nous demandent un consul ; cette même année M. Despointes, commandant le brick l’Alcyone, est choisi pour arbitre dans les querelles des tribus voisines d’Arzew.

D’une autre part, les mahométans, avec leurs idées de prédestination, se résignent loyalement devant la force ; nous n’avons pas de soldats plus dévoués que les Turcs entrés à notre service. Les Arabes se contenteraient de tolérance pour leur religion, et le res-