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REVUE. — CHRONIQUE.

incessamment sur la tête des vaincus la rigueur des lois, et les patriotes échappés au glaive de la loi, ou à la baïonnette du soldat, comptaient leurs glorieuses campagnes d’apostolat par les années de prison.
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« Les deux grands pouvoirs du royaume, oubliant leur mission, se transforment en juges criminels, et l’on voit aussi l’ancien palais des rois transformé en prison d’état.

« Sous la restauration, la police, limitée, ne comptait à la rigueur que la gendarmerie, et dans les grandes circonstances, la garde royale et les gardes-du-corps. ......


« La quasi-légitimité, plus large, plus progressive dans l’art de gouverner les hommes, sut augmenter l’ancienne police, et lui associer les troupes de ligne et la garde nationale, prenant les premiers par l’obéissance passive, et les seconds par la peur, l’égoïsme et le mensonge. Aux cours prévotales ont succédé les conseils de guerre, et si les exécutions n’ont point décimé les accusés des 5 et 6 juin, ce n’est que par la crainte de l’opinion publique. Si le sang des accusés n’a point coulé par la main du bourreau, cela n’a pas tenu à ces magistrats et soldats à la fois. Si nous comptons encore vivans parmi nous ces jeunes hommes dont le crime est le nôtre, et dont nous acceptons la solidarité ; si l’espérance nous reste encore de presser un jour sur nos cœurs nos frères, nos amis ; si l’espérance nous reste encore de voir un jour la France heureuse, libre et glorieuse, non, cela n’aura pas dépendu de vous, hommes du sabre et de l’obéissance passive, vous qui, pendant vingt ans, n’avez cessé de prêter votre appui à nos oppresseurs ; vous qui, dans l’oisiveté d’une paix sans gloire, avez ameuté vos soldats contre nous, ainsi qu’on voit les chiens d’un berger capricieux mordre à plaisir, et pour obéir seulement, le troupeau inoffensif marchant, guidé par l’instinct, à la plus simple liberté.
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« Eh quoi ! défenseurs de l’ordre public, vous-mêmes nés du désordre, vous nous accusez de vouloir l’anarchie, parce que nous voulons largement, c’est-à-dire pour le peuple, ce que vous n’avez voulu que pour vous ; vous qui, au nom du peuple, et pour vous seuls, avez usurpé le pouvoir populaire, vous nous accusez de vouloir le désordre !

« Hommes aveugles, ouvrez donc les yeux et voyez ! L’anarchie que vous