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impossible dans la pensée royale ; M. Dupin, entièrement effacé. La chambre se porta donc là où il y avait une pensée absolue, impérative, si l’on veut, mais enfin qui composait un corps de système, un ensemble d’idées gouvernementales. Ici se produisit encore cette vérité pratique, qu’un système, quel qu’il soit, est une force.

La majorité est actuellement ministérielle, avec des nuances sans doute, mais qui toutes se confondent également dans cette pensée, qu’il faut fortifier l’unité gouvernementale en quelque point qu’elle se présente, et en quelque nom qu’elle se personnifie. Il y a bien encore des gens qui répugnent à se dire ministériels, qui, appuyant le pouvoir dans les grandes questions, ont des larmes dans la voix pour l’émancipation des nègres ou tel autre sujet indifférent au ministère ; au fond, ceux-là ne sont pas moins ministériels, seulement ils veulent ménager une double position et un double intérêt. Cet esprit de la chambre se manifeste particulièrement toutes les fois qu’il se présente une de ces petites économies qui, ne tourmentant pas beaucoup le ministère, donnent néanmoins aux députés une allure d’examinateurs intègres et de contrôleurs de la fortune publique : on a vu des députés suer sang et eau pour faire rejeter un crédit de 3,000 francs, le lendemain où la chambre avait voté 25,000,000 pour les États-Unis : c’est une certaine manière de se préserver de l’impopularité absolue ; c’est une situation sans franchise, c’est de la pudeur, jetée sur un vote invariablement acquis au pouvoir.

Ainsi, pour bien résumer la majorité ministérielle, elle compte d’abord les bancs purement doctrinaires, liés de principes, hommes honorables parce qu’ils votent de conviction, et qu’au-dessus de leur ministérialisme domine un sentiment élevé d’harmonie sociale et d’ordre, reposant peut-être sur des bases illusoires, mais enfin qui touchent profondément à leurs convictions. À côté d’eux siége une autre espèce de députés, ministériels par état, mais non vendus au ministère, qui se passionnent pour les idées qu’ils ont conçues et pour la peur qu’ils éprouvent. M. Fulchiron, par exemple, est un honnête caractère ; mais malheur au pays qui est gouverné par d’honnêtes gens sans intelligence ! Mieux vaudrait des hommes moins probes, avec plus d’esprit et de capacité ; car ceux-là, au moins, voient et jugent, tandis que les autres sont sous l’empire de leurs petites idées comme sous le coup d’une fatalité ; ils frappent de droite et de gauche ; la justice pour eux n’est plus qu’une idée relative ; la vérité n’a qu’un sens. De là ces cris, ces clameurs qui partent d’une portion du centre et qui couvrent la voix des orateurs assez osés pour contrarier leur manière de voir, ou pour blesser leurs sympathies politiques. Avec la meilleure foi du monde, cette majorité proscrirait ses collègues, voterait