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SESSION PARLEMENTAIRE.

des lois impitoyables, renouvellerait le 18 fructidor ; et le soir, tous ces députés, rentrés chez eux, seraient pourtant bons pères de famille, d’excellens citoyens.

Il y a encore une fraction de la majorité que j’appellerai les gardes du corps du ministère, espèce de ferrailleurs qui veulent non-seulement soutenir le cabinet de leurs boules, mais encore qui brûlent de briser une lance pour l’honneur du système. Ceux-là ne souffrent pas qu’on dise qu’il y a de la bêtise et de la corruption au fond de certains actes et de certaines affaires, que le traité avec les États-Unis est une transaction honteuse qu’une majorité ne vote qu’en se compromettant. Ils répondent à tout en jetant le gant à leurs adversaires. La minorité ne peut pas se plaindre, et nous ne serions pas étonnés qu’ils provoquassent un jour en champ clos les contribuables récalcitrans qui ne voudraient pas bénir les actes paternels et économiques de la majorité.

Une autre nuance se compose tout entière de bons bourgeois éblouis des fêtes du château, des amitiés qu’on daigne faire à ses membres, des politesses affectueuses d’une royauté de famille. Aux uns on a daigné faire danser leurs filles, aux autres on a délicatement concédé une fourniture de bougies ou de tapis pour une grande soirée ; l’autre habille la livrée. En descendant un peu plus bas, tel député a des primes sur l’exportation du sucre, un autre a des mines de fer ; celui-ci fera les sabres-poignards, celui-là, les pantalons garance. Ce n’est certes pas là de la corruption, car il y a du travail ; mais comment refuser une boule à qui vous fait légitimement gagner quelques centaines de mille francs ?

Ensuite arrivent des auxiliaires passagers ; un projet de loi intéresse tel port de mer, tel département pour la canalisation ; le cabinet caresse ces intérêts, multiplie les promesses. Il est si doux, même pour les commettans, que les députés conservent des rapports avec les ministres, et qu’ils votent avec eux ! Si un membre de l’opposition se présente dans les bureaux d’un ministère, avec quelle hauteur ne le reçoit-on pas ? Demande-t-il une pièce ? on refuse de la lui communiquer ; une faveur pour une commune ? cette commune est mise à l’index, car elle a contribué à l’élection du député proscrit. Il est si doux, je le répète, d’être ministériel, quand de toutes parts les faveurs pleuvent ; rien n’est refusé à qui prête appui : combien est puissante l’apostille de M. Fulchiron !

Que le parti social nous le pardonne, nous le rangeons dans la chambre au nombre des ministériels ; et, en effet, est-il autre chose ? Nous concevons très bien un parti de progrès et à grandes idées ; devant les générations s’ouvre une ère de perfectibilité humaine ; de bons et grands esprits peuvent envisager l’avenir des peuples dans un vaste but de civilisation ; mais au sein