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AU-DELÀ DU RHIN.

de Napoléon, dans les travaux d’une industrie dont les progrès sont récens. Prague, qu’on nous a dit ressembler à la vieille Moscou, voit se presser entre ses églises et ses palais une population qui n’a guère d’autre souci que le retour quotidien de ses jouissances et de ses plaisirs. Elle fut troublée en 1833 par une agitation extraordinaire ; elle vit accourir chez elle de jeunes Français venant saluer un enfant qu’ils appelaient leur roi. Jamais on ne commit un acte d’insubordination et de guerre civile avec une gaieté plus bruyante et plus communicative. Nos jeunes compatriotes faisaient plus de bruit dans Prague que tous les Bohémiens, qui n’avaient jamais vu de sédition si aimable et si élégante. J’y rencontrai un camarade qui déjà au collége disputait avec moi sur la légitimité et la liberté, il me conta spirituellement tous les détails de l’expédition sentimentale : il était sans fanatisme, j’avais de la tolérance ; nous nous quittâmes en riant. Cependant la légèreté de ces jeunes gens était digne de blâme, car elle aggravait en Europe la preuve de nos dissensions intestines. Français, quand serons-nous unis ?

La race slave forme la majorité des habitans de la Bohême. Le Hongrois frémit sous la domination autrichienne. Il adore à la diète de Presbourg les maximes de sa vieille constitution, et sa défiance ne veut rien y changer. Vienne lui refuse dans les tribunaux et au théâtre l’usage de l’idiome national (le maggyare). Le paysan du Tyrol est plus attaché à ses montagnes qu’à l’empire. L’Autrichien seul est dévoué à l’Autriche.

Vienne a pour adversaires naturels la Russie, la Prusse et la France ; ces trois puissances marchent nécessairement sur elle.

La Russie pense que le protectorat de la race slave lui convient mieux qu’au duché d’Autriche. Elle nourrit l’espoir d’attirer un jour à elle tout ce qu’il y a de Slaves sous la domination de Vienne, elle les flatte sourdement. Elle inquiète aussi la ville du Danube par la possession de la Pologne et bientôt de Constantinople : quand le czar aura succédé au sultan, il n’y aura plus pour Vienne de Sobiesky[1].

  1. Depuis long-temps l’Autriche sent les dangers dont la menace la Russie. « Le prince de Kaunitz, qui se trouvait aussi à Neustadt, eut de longues conférences avec sa majesté prussienne, dans lesquelles, étalant avec emphase le