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AU-DELÀ DU RHIN.

et Louis xviii avait recommandé au prince de Talleyrand de défendre le principe de la légitimité dans la personne du roi de Saxe. Aussi, une fois passées les plus vives effervescences de la victoire et de la colère, il devint impossible à la Prusse de s’approprier la Saxe entière ; elle n’en put emporter que des lambeaux : elle n’eut pas Dresde, elle n’eut pas Leipsig, mais elle eut la troisième partie du territoire qu’elle érigea en duché de Saxe, et huit cent mille ames sur une population de deux millions d’hommes.

Aujourd’hui la Saxe est un des pays les plus civilisés de l’Europe et les plus dénués d’énergie politique. Une instruction saine circule partout ; ce pays en a le goût et la longue habitude. Ce n’est pas en vain que, depuis le xvie siècle, la réforme a remué les esprits ; la civilisation morale a fleuri sous l’influence de l’esprit évangélique. Mais tant de dons heureux ne peuvent constituer à cette terre l’unité politique qui lui manque ; la patrie de Luther est morcelée[1], sans force, et sans autre avenir qu’une soumission prochaine à la monarchie de Frédéric.

Cependant, au milieu de l’impuissance de la Saxe, Berlin fut contrarié, il y a quelques années, par l’invasion du régime constitutionnel à Dresde. Au mois de juin 1830, la Saxe avait encore son ancien gouvernement ; mais dès 1817, les états du royaume avaient demandé que la vieille constitution fût révisée ; des écrivains donnèrent l’appui de l’opinion à ces sollicitations légales, que ce concours rendit plus vives. Les esprits étaient échauffés ; quelques troubles avaient éclaté à Dresde, dans la soirée du 25 juin 1830, au milieu des processions et des fêtes qui célébraient le troisième anniversaire séculaire du jour où la confession d’Augsbourg avait été remise à Charles-Quint ; des émotions plus turbulentes encore s’étaient manifestées à Leipsig, quand arriva la nouvelle de la révolution de Paris et de la France. Le peuple, la bourgeoisie, et une partie de la jeune noblesse l’accueillirent avec enthousiasme ; Leipsig fut le théâtre d’une nouvelle effervescence ; on y cria :

  1. La Saxe est partagée en royaume de Saxe, grand duché de Saxe-Weimar, duché de Saxe-Meiningen Hildbourghausen, duché de Saxe-Altenbourg, duché de Saxe-Cobourg-Gotha.