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lois du gouvernement fédéral. Les états américains qui existaient avant l’Union, ont non-seulement consenti à ce qu’elle leur dictât des lois, mais encore à ce qu’elle fît exécuter elle-même ses lois. Cette différence a produit d’immenses résultats. Ainsi, le gouvernement de l’Union conduit les affaires avec vigueur et facilité, parce qu’au lieu d’emprunter ses forces, il les puise en lui-même ; il a ses administrateurs à lui, ses tribunaux, ses officiers de justice, son armée ; il a pour gouvernés, non des états, mais de simples citoyens.

Le congrès règle les principaux actes de l’existence sociale ; tout le détail en est abandonné aux législations provinciales. On ne saurait se figurer combien cette division de la souveraineté sert au bien-être de chacun des états dont l’Union se compose. Dans ces petites sociétés que ne préoccupe pas l’idée de se défendre ou de s’agrandir, toute la puissance publique et toute l’énergie individuelle sont tournées du côté des améliorations intérieures. Ce besoin d’améliorations agite sans cesse les républiques américaines, et ne les trouble pas. L’ambition du pouvoir y laisse la place à l’amour du bien-être. Si l’Union est une vaste république, quant à l’étendue, elle est renfermée en d’étroites limites à cause du peu d’objets dont s’occupe son gouvernement. Libre et heureuse comme une petite nation, elle est glorieuse et forte comme une grande. Comme tout n’y vient pas aboutir à un centre commun, on n’y voit ni vastes métropoles, ni richesses immenses, ni profondes misères, ni subites révolutions.

L’esprit public de l’Union n’est en quelque sorte qu’un résumé du patriotisme communal et provincial ; il se fait sentir partout. Tandis que l’Européen n’aperçoit trop souvent dans le magistrat qu’un représentant de la force, le citoyen des États-Unis considère en lui le représentant de ses droits et de ses intérêts ; à ses yeux le fonctionnaire est petit, mais son autorité immense, et en y déférant, il obéit moins à l’homme qu’à la justice et à la loi. Pour assurer la liberté, nous voudrions affaiblir le pouvoir dans son principe même. En Amérique, on s’est contenté de le diviser dans son exercice. En aucun pays, la loi ne parle un langage aussi absolu, et le droit de l’appliquer n’est divisé entre tant de mains.

Un particulier conçoit-il une entreprise ayant un rapport direct avec le bien-être de la société, jamais il n’a l’idée de s’adresser au gouvernement pour obtenir son concours ; il n’appelle à son secours que des ressources individuelles, et lutte corps à corps contre tous les obstacles : souvent il réussit moins bien que si l’état était à sa place ; mais à la longue le résultat général de toutes les entreprises individuelles dépasse de beaucoup ce que pourrait faire le gouvernement.

La police administrative n’existe pas ; les passeports sont inconnus, les