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LA PRESSE FRANÇAISE.

titude de sociétés. Chacune possède une somme d’idées et un jargon qui est la monnaie, le moyen d’échange du fonds commun. Ordinairement, cette expression n’a rien de littéraire. Si les bibliographes se demandaient à quelle région sociale un ouvrage s’adresse, au lieu de s’en rapporter aux promesses du titre, ils éviteraient des bévues et des injustices. Une chronologie des papes, à l’usage des séminaires ; des mémoires, fabriqués de façon à piquer la curiosité des gens du monde, ne doivent pas prendre rang parmi les travaux historiques. La section illustrée par les noms de nos savans ne saurait s’ouvrir pour ces petits livrets, ces compilations mal digérées, qui popularisent la science.

La statistique des travaux imprimés conduisait donc à faire celle des lecteurs. Nous avons conservé pour les cadres principaux l’ordre encyclopédique adopté généralement ; mais pour les subdivisions, nous avons considéré la destination des livres et la nature de leur public. Ce procédé permet d’apprécier l’état intellectuel et moral des différentes classes, en indiquant ce que la publicité fait pour chacune d’elles.

SCIENCES MÉTAPHYSIQUES.

i. Théologie. — 708 ouvrages, appartenant à cette section, ne donnent pas moins de 14,365 feuilles-modèles, qui, multipliées elles-mêmes par le tirage, ont dû fournir environ 39,000 rames, ou 19,500,000 feuilles imprimées.

Si l’on jugeait d’une doctrine par la masse d’ouvrages qu’elle inspire et répand, la plus féconde, la plus robuste serait encore celle qui s’appuie sur les traditions du catholicisme. À dater des premières années de la restauration, la théologie a mis en circulation un nombre de livres considérable. La révolution de juillet ne lui a rien fait perdre de son activité : quelquefois même elle a prêté à son expression la gravité qui lui manquait.

Cependant on aurait tort de conclure que cette fécondité a pour cause unique le réveil des sentimens religieux. Il faut tenir compte de l’habileté des spéculateurs qui travaillent pour le clergé et les dévots. Les établissemens qui ont envahi cette spécialité, assez importans pour ne pas reculer devant des entreprises colossales, ont combiné leur fabrication de manière à séduire par la modicité très réelle de leurs prix : leurs correspondances sont si étendues, si bien secondées par le prosélytisme du clergé, qu’une publication nouvelle ne demeure jamais inconnue à ceux qu’elle peut intéresser. Un livre prôné et même colporté par un prêtre se répand aisément dans le fond d’une province, tandis qu’une création de haute valeur en est parfois repoussée par les préventions ou l’ignorance d’un libraire.