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Dieu sait quel usage M. Bulwer a fait de son droit de poète ! Mme de Montespan a supplanté Mlle de La Vallière. Aussitôt Lauzun va demander au roi la permission d’épouser la duchesse délaissée, et le roi l’autorise à se faire agréer. N’est-ce pas là un ressort ingénieux ? La duchesse refuse ; et au moment où elle s’indigne avec justice contre l’ignoble conduite du roi, le marquis de Bragelone, dont la duchesse de La Vallière a pleuré la mort au troisième acte, reparaît tout à coup, mais déguisé en moine franciscain, et la sermonne tout à son aise. Comme elle croit reconnaître sa voix, il se fait passer pour le frère du marquis. La duchesse l’écoute patiemment et se décide, pour la seconde fois, à fuir au couvent. La première fois, c’était pour se défendre ; la seconde, c’est pour expier sa faute et se consoler de l’abandon. Elle se retire, après avoir promis au franciscain de quitter la cour sans délai. Entre le roi ; c’est une nouvelle et magnifique occasion de haranguer ; le marquis devenu moine n’a garde de la laisser échapper. Il récite à Louis XIV un morceau ronflant sur le despotisme et l’hypocrisie, sur la débauche et l’égoïsme des cours, qui serait peut-être bien accueilli dans un meeting radical, mais qui, prononcé devant Louis XIV, n’a d’autre mérite que l’absurdité. Ce Bragelone est plus hardi que Bossuet, car Bossuet, pour troubler la conscience de Louis XIV, employait des circonlocutions très polies, et il n’aurait pas cru servir les intérêts de la morale et de l’église en attaquant directement la conduite du monarque. Louis XIV, pour n’être pas en reste avec Bragelone, se résout à lui pardonner sa franchise, sans doute en faveur de l’éloquence du morceau. C’est une générosité vraiment royale. Resté seul avec la duchesse, Louis XIV lui demande si elle consent à épouser Lauzun. Louise de La Vallière, après avoir répondu négativement à cette première question, lui donne à entendre qu’elle a choisi un époux plus digne d’elle ; et sans pousser plus loin l’indiscrétion, le roi lui promet son amitié.

Mais il faut que le vice soit puni et la vertu récompensée, car sans cela la pièce serait incomplète. Lauzun, mécontent de Mme de Montespan, qui n’a pas tenu toutes ses promesses, éveille dans le cœur de Louis XIV le regret de sa première maîtresse, et il obtient un ordre d’exil contre son alliée infidèle. Au moment où Mme de Montespan, venue pour assister à la profession de la du-