Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
THÉÂTRE ANGLAIS.

chesse de La Vallière, se félicite de son triomphe, Lauzun lui remet la lettre d’exil. La scène finale du second acte recommence, mais plus verbeuse, plus théâtrale, plus digne du mélodrame. Le remords commence pour Mme de Montespan. Le roi se résigne à perdre sans retour Louise de La Vallière, et se console en espérant qu’elle priera pour lui. C’est là ce que M. Bulwer appelle un drame historique.

Cette analyse rapide, mais fidèle, suffit pour montrer toute l’indigence, toute la misère de l’ouvrage. Ni l’histoire ni la poésie ne peuvent accepter les personnages que M. Bulwer a mis en scène. S’il eût interprété la réalité historique au profit de la poésie, nous ne songerions pas à lui reprocher l’indépendance de sa conduite. Quoique Mme de Montespan ait été supplantée par Mme de Maintenon, précisément comme Mlle de La Vallière par Mme de Montespan, nous accepterions volontiers la transposition imaginée par M. Bulwer, s’il eût tiré parti de cette transposition ; mais il a violé l’histoire très inutilement. Puisqu’il est permis au poète de resserrer dans l’espace d’une soirée les évènemens de plusieurs années, il eût été naturel et logique de laisser voir le roi sous l’amant, et de ne pas réduire la vie tout entière de Louis XIV à deux intrigues amoureuses. À cette condition seulement, l’amant de Mlle de La Vallière pouvait nous intéresser jusque dans l’infidélité. Plus il eût été roi, plus il eût été facile d’excuser la mobilité de ses passions ; mais il est évident que M. Bulwer, en écrivant sa pièce, ne s’est proposé que la construction vulgaire d’une machine dramatique. Il n’a voulu ressusciter ni la France du xviie siècle ni la cour de Louis XIV ; ou du moins, s’il a eu pendant quelques heures un projet de cette nature, il l’a bien vite perdu de vue, et s’est abandonné au seul plaisir de peindre l’égoïsme en présence de la candeur. Car le caractère général de la Duchesse de La Vallière est celui d’une bergerie.

La pièce est écrite en vers blancs, et nous remercions M. Bulwer d’avoir cherché à racheter la vulgarité de sa fable par l’élévation du style. Mais cette louable intention est demeurée impuissante, comme il était facile de le prévoir. L’auteur, habitué au style improvisé de ses romans, qui, malgré son élégance et sa facilité, n’a presque jamais de forme précise et arrêtée, n’a pu se résoudre, même en écrivant des vers blancs, à oublier l’abondance invo-