Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
REVUE DES DEUX MONDES.

ment postérieur à la représentation. L’auteur fut obligé de supprimer le troisième acte, le meilleur des cinq, du moins il le dit, parce que les acteurs étaient incapables de le rendre, et le public incapable de le comprendre, et concentra dans un récit toutes les scènes de l’acte supprimé. Après avoir accusé les acteurs et le public d’incapacité, il ne lui restait plus qu’à se plaindre de la critique, et, en effet, il proclame hautement l’improbité de la critique, l’ingratitude des poètes dramatiques, dont il a défendu la propriété littéraire dans la chambre des communes. Il nous semble difficile de se siffler soi-même avec plus d’acharnement ; car un poète qui refuse la lecture de sa pièce au directeur d’un théâtre, ne devrait pas consentir à supprimer un acte entier. C’est là une inconséquence qui ressemble fort à une amende honorable. Accuser l’incapacité des acteurs et du public est une défense plus que maladroite. Une pièce qui ne peut être ni jouée, ni comprise, ressemble beaucoup à une mauvaise pièce. Quant aux deux derniers griefs articulés par M. Bulwer, l’improbité de la critique et l’ingratitude des poètes dramatiques, il nous est impossible de les concilier : car si les poètes, en jugeant la Duchesse de La Vallière, devaient, comme l’auteur le donne à entendre, n’écouter que la reconnaissance, et si l’ingratitude a suffi pour les rendre sévères, l’improbité n’est pas nécessaire pour expliquer l’avis de la critique. L’ingratitude est même inutile ; car M. Bulwer, que je sache, n’a rendu aucun service à la critique. La critique a donc pu, sans improbité, sans ingratitude, par amour pour la seule vérité, déclarer mauvaise la pièce de M. Bulwer. Mais il paraît que l’orgueil des poètes est, de l’autre côté du détroit, aussi prompt à la colère que chez nous, et plus mal inspiré dans sa défense.


Gustave Planche