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et le Journal de Paris ; s’il se met à pratiquer les principes de sa réplique à M. Barrot, il doit licencier son petit parti, et se perdre dans les rangs du centre gauche. Violent, il est impossible et suranné ; progressif, il n’est plus doctrinaire, il n’est plus homogène.

Le camp doctrinaire ressemble, à vrai dire, à ces forêts enchantées qui s’évanouissent devant vous, quand vous marchez sur elles. Et tout le monde gagnera à faire disparaître le camp, le parti, car nous aurons alors les personnes moins les choses, comme a dit si bien M. Thiers ; et les personnes sont distinguées. Qui pourrait refuser à M. Guizot d’éminentes facultés, de l’esprit à M. de Rémusat, du courage à M. Jaubert, une raison exacte à M. Duchâtel, une ingénieuse activité à M. de Hauranne ? Mais quand ces personnes s’évertuent à former un parti homogène, elles deviennent nuisibles à elles-mêmes, funestes au pouvoir, fâcheuses à tout le monde. C’est que, pour former un parti, il ne suffit pas de cinq à six hommes qui ont pris pour une situation éternelle et normale les nécessités imposées par des luttes passagères. Il faut à un parti véritable une base nationale, le talent des affaires et l’esprit vraiment politique.

L’esprit politique ne se montre pas rancuneux, monotone et déclamatoire : il est calme, net, clair, intelligent et prompt ; il est ferme sur les points essentiels, tolérant dans les formes et dans les détails, apportant dans les affaires difficiles de la patience et de la sérénité. Il nous semble que le principal adversaire de M. Guizot, M. Thiers, n’a pas fait faute à ces conditions de l’esprit politique. Il y a un an, M. Thiers, président du conseil, s’attachait à donner à la quadruple alliance toute sa portée ; il voulait que cette Espagne, qui avait été le pivot des entreprises de Louis XIV, l’écueil de Napoléon, à laquelle avait attenté la restauration, devint le point d’appui de la politique française et constitutionnelle, et que, par nous, le pays de Philippe II entrât dans le mouvement de la liberté européenne. M. Thiers donna sa démission parce qu’il ne put appliquer sa politique, et à la tribune, devant le pays, il rendit raison de sa conduite. Il prononça un discours qui rappelle, par ses dimensions et son éclat, ces grandes harangues du parlement anglais, qui épuisent une question jusque dans ses moindres détails, tant pour l’exposition des faits que pour la déduction des solutions politiques. Il prouva sans réplique que la quadruple alliance engageait la