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gion qui n’est pas née à l’état de secte, comme le protestantisme, a toujours donné la vie à un art qui pût lui servir d’organe, parler son langage à l’imagination et au cœur de ses enfans, traduire ses dogmes en images vénérées et chéries, enfin parer ses rites et ses cérémonies d’un attrait mystérieux et populaire. Ce que la religion des Hindous, des Égyptiens, des Grecs, des Mexicains a fait, la religion catholique l’a fait aussi, mais avec une splendeur et une puissance à nulle autre égale. Notre patrie est couverte des produits de l’art catholique, qui ont survécu à trois siècles de profanations, d’ignorance et de ravages. Pour un Louvre, pour un Versailles dont la France s’enorgueillit, elle a cent cinquante cathédrales, elle a dix mille églises de paroisse qui remontent aux temps où régnait le véritable art chrétien. Ces cathédrales et ces églises, malgré leur pauvreté et leur nudité actuelle, ou plutôt à cause de cette nudité, offrent aux peintres et aux sculpteurs le champ le plus vaste, et presque le seul, pour leurs travaux ; car on ne pourra pas faire un Versailles à chaque règne. Et où trouver aujourd’hui des particuliers qui remplacent pour l’art les princes et les prélats d’autrefois ? Ces églises ouvrent chaque jour leurs portes à une foule plus ou moins nombreuse de personnes, qui y voient avec intérêt et émotion les représentations des objets de leur culte et de leurs croyances, et qui ne demanderaient pas mieux que de s’y intéresser avec ardeur et enthousiasme, si l’on prenait la peine de donner à ces représentations une valeur réelle, et de la leur expliquer. Ce n’est donc pas, nous le répétons, la matière qui manque en France à l’art religieux ; ce qui lui manque, c’est le bon sens, c’est la science, c’est la foi, c’est la pudeur chez la plupart de ceux qui en sont les prétendus ouvriers. Ce qui importe, c’est de dénoncer aux hommes sincères et conséquens l’étrange abus qu’on fait des mots et des choses, dans un ordre d’idées et de faits qui exige plus de conscience et plus de scrupule qu’aucun autre. Ce qui importe encore, c’est de mettre à nu les plaies qui gangrènent l’application religieuse de l’art, afin que la partie saine de la jeune génération d’artistes qui s’élève puisse en éviter le contact et la honteuse contagion.

Mais, avant d’aller plus loin, répondons d’avance en deux mots à une multitude d’objections et de reproches qui pourraient nous être adressés. Qu’on le sache bien, nous n’entendons nullement parler de l’art en général, mais uniquement de l’art consacré à reproduire certaines idées et certains faits enseignés par la religion : tout le reste est complètement étranger à nos plaintes et à nos invectives. Nous n’empiéterons pas sur cette vaste extension d’idées, qui comprend aujourd’hui, sous le nom d’artistes, jusqu’aux coiffeurs et aux cuisiniers. Nous ne prétendons en rien intervenir dans les grandes transformations, dans le rôle humanitaire que divers critiques et philosophes assignent à l’art, d’abord parce que nous n’y croyons pas, ensuite parce que nous n’y comprenons rien, enfin et surtout, parce qu’il n’y a rien de commun entre tout cela et le catholicisme. En effet, le catholicisme n’a rien