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La dépense pour les canaux n’est que de 1/60 du budget ; ce chiffre paraîtra bien mesquin, surtout si l’on se rappelle cette lettre d’Amrou au Kalife Omar : « Trois choses, ô prince des fidèles, contribuent essentiellement à la prospérité de l’Égypte, et au bonheur de ses habitans ; la première de ne point adopter légèrement des projets inventés par l’avidité fiscale, et tendant à accroître l’impôt ; la seconde d’employer le tiers des revenus à l’entretien des canaux, des ponts et des digues ; la troisième de ne lever l’impôt qu’en nature, sur les fruits que la terre produit. » L’Égypte a aujourd’hui 14 canaux, la plupart délabrés ; ils forment un développement de 250 lieues. Sous les kalifes, on comptait plus de 600 lieues de canaux.

À l’inverse de l’agriculture, les fabriques ont coûté énormément (car il a fallu tout faire venir d’Europe, jusqu’aux ouvriers-instructeurs), et les recettes ont bien de la peine à surpasser les dépenses. Le chiffre des objets tirés d’Europe pour les fabriques était autrefois très considérable, alors que le pacha faisait venir les machines à vapeur, les métiers à tisser, et tout le matériel de ses manufactures ; c’est sur la vente de ces objets que les négocians anglais et français ont fait de si exorbitans bénéfices. Ce chiffre est aujourd’hui bien réduit, soit parce que ces bénéfices ont diminué, soit parce que l’Égypte tend à trouver en elle-même, ou en Syrie, presque tout ce qui est nécessaire à sa fabrique.

L’exiguité du chiffre de la police, branche d’administration identique à la justice, n’est-elle pas une leçon pour les gouvernemens européens ? Quelques centaines de chiaoux armés de kourbatchs, voilà tout le système pénitentiaire de l’Égypte. On ramène les Orientaux au devoir en s’adressant à la plante de leurs pieds, et non en les mettant à réfléchir entre quatre murailles. Les Européens se figurent que ce système est plus cruel que le leur ; ils se trompent. En matière de correction, La célérité et l’actualité sont ce qu’il y a de moins cruel et en même temps de plus efficace. Aussi, le chiffre des crimes est-il proportionnellement bien moindre qu’en France ou en Angleterre.

Le chiffre des pensions accordées aux anciens moultezim ou propriétaires de villages, diminue chaque année par le décès des pensionnaires ; il est réduit à 1,250,000 piastres ; c’est le restant-prix de la propriété de l’Égypte, qui est, je pense, un assez beau domaine.

L’envoi à Constantinople des 8,750,000 piastres, ou 17,500 bourses, forme le tribut que le pacha est tenu de payer au grand-seigneur ; il y a 12,000 bourses pour l’Égypte, et 5,500 pour la Syrie (1,500 pour le pachalik de Damas, 1,500 pour celui d’Alep, 1,500 pour les pachaliks d’Acre, de Tripoli et de Seida ; 1,000 pour le district d’Adana. – Traité de Kutohia, du 5 mai 1833 — (22 zil-edje 1248).

Le chiffre du culte indique assez que la religion de Mahomet est encore plus négligée par le gouvernement égyptien, que celle de Jésus par les gouvernemens européens. La moitié des mosquées du Kaire (150 au moins) tombent en ruine ; et, dans la grande mesure générale, leurs propriétés n’ont