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FRÉDÉRIC ET BERNERETTE.

voiture de remise, et malgré un temps assez froid, on partit pour Montmorency ; le ciel était clair, le soleil brillait ; les jeunes gens fumaient, les deux dames chantaient ; au bout d’une lieue, elles étaient amies.

On fit une promenade à cheval ; lancé au galop dans les bois, Frédéric se sentait battre le cœur ; jamais il ne s’était trouvé si à l’aise ; Bernerette était près de lui ; il voyait avec orgueil l’impression que produisait sur Gérard le charmant visage de la jeune fille animé par la course. Après un long détour dans la forêt, ils s’arrêtèrent sur une petite éminence où se trouvaient une maisonnette et un moulin. La meunière leur donna une bouteille de vin blanc, et ils s’assirent sur une bruyère.

— Nous aurions bien dû, dit Gérard, apporter quelques gâteaux ; la digestion se fait vite à cheval, et je me sens de l’appétit ; nous aurions fait un petit repas sur l’herbe, avant de reprendre le chemin de l’auberge.

Bernerette tira de sa poche une talmouse qu’elle avait prise en passant à Saint-Denis, et l’offrit de si bonne grâce à Gérard, qu’il lui baisa la main pour la remercier.

— Faisons mieux, dit-elle ; au lieu de retourner au village, dînons ici. Cette bonne femme a bien un quartier de mouton dans sa maisonnette ; d’ailleurs voilà des poules qu’on nous fera rôtir. Demandons si cela se peut ; pendant que le dîner se préparera, nous ferons un tour dans le bois. Qu’en pensez-vous ? Cela vaudra bien les antiques perdreaux du Cheval Blanc.

La proposition fut acceptée. La meunière voulait s’excuser ; mais, éblouie par une pièce d’or que Gérard lui donna, elle se mit à l’œuvre aussitôt, et sacrifia sa basse-cour. Jamais dîner ne fut plus gai. Il se prolongea plus long-temps que les convives n’y avaient compté. Le soleil disparut bientôt derrière les belles collines de Saint-Leu ; d’épais nuages couvrirent la vallée, et une pluie battante commença à tomber.

— Qu’allons-nous devenir ? dit Gérard. Nous avons près de deux lieues à faire pour regagner Montmorency, et ce n’est pas là un orage d’été qu’on n’a qu’à laisser passer ; c’est une vraie pluie d’hiver, il y en a pour toute la nuit.

— Pourquoi cela ? dit Bernerette ; une pluie d’hiver passe comme une autre. Faisons une partie de cartes pour nous distraire ; quand la lune se lèvera, nous aurons beau temps.

La meunière, comme on peut penser, n’avait pas de cartes chez