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FRÉDÉRIC ET BERNERETTE.

il s’était trouvé ainsi, avec Bernerette, près de la cheminée d’une petite chambre. Je laisse à commenter ce hasard étrange à ceux dont l’imagination se plaît à admettre que l’homme pressent la destinée. Ce fut en ce moment qu’on remit à Frédéric une lettre timbrée de Paris, qui lui annonçait la mort de Bernerette. Je n’ai pas besoin de peindre son étonnement et sa douleur ; je dois me contenter de mettre sous les yeux du lecteur l’adieu de la pauvre fille à son ami ; on y trouvera l’explication de sa conduite en quelques lignes, écrite de ce style à moitié gai et à moitié triste qui lui était particulier :


« Hélas ! Frédéric, vous saviez bien que c’était un rêve. Nous ne pouvions pas vivre tranquillement, et être heureux. J’ai voulu m’en aller d’ici ; j’ai reçu la visite d’un jeune homme dont j’avais fait la connaissance en province, du temps de ma gloire ; il était fou de moi à Bordeaux. Je ne sais où il avait appris mon adresse ; il est venu et s’est jeté à mes pieds, comme si j’étais encore une reine de théâtre. Il m’offrait sa fortune qui n’est pas grand’chose, et son cœur, qui n’est rien du tout. C’était le lendemain, ami, souviens-t’en ! tu m’avais quittée en me répétant que tu partais. Je n’étais pas trop gaie, mon cher, et je ne savais trop où aller dîner. Je me suis laissé emmener ; malheureusement je n’ai pas pu y tenir ; j’avais fait porter mes pantoufles chez lui ; je les ai envoyé redemander, et je me suis décidée à mourir.

« Oui, mon pauvre bon, j’ai voulu te laisser là. Je ne pourrais pas vivre en apprentissage. Cependant, la seconde fois, j’étais décidée. Mais ton père est revenu chez moi, voilà ce que tu n’as pas su. Que voulais-tu que je lui dise ? j’ai promis de t’oublier ; je suis retournée chez mon adorateur. Ah ! que je me suis ennuyée ! est-ce ma faute si tous les hommes me semblent laids et bêtes depuis que je t’aime ? Je ne peux pourtant pas vivre de l’air du temps. Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ?

« Je ne me tue pas, mon ami, je m’achève ; ce n’est pas un grand meurtre que je fais. Ma santé est déplorable, à jamais perdue. Tout cela ne serait rien sans l’ennui. On dit que tu te maries ; est-elle belle ? Adieu, adieu. Souviens-toi, quand il fera beau temps, du jour où tu arrosais tes fleurs ; ah ! comme je t’ai aimé vite ! en te voyant, c’était un soubresaut en moi, une pâleur qui me prenait. J’ai été bien heureuse avec toi. Adieu.

« Si ton père l’avait voulu, nous ne nous serions jamais quittés, mais tu n’avais pas d’argent, voilà le malheur, et moi non plus. Quand