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LETTRES
SUR L’ÉGYPTE.

RÉTABLISSEMENT
De l’ancienne route de l’Inde.

La prise de Constantinople par les Turcs, en rendant à l’islamisme quelque énergie guerrière, et en fermant l’Orient aux Européens, poussa leurs courses aventureuses vers l’Océan Indien. Ils découvrirent la route du Cap de Bonne-Espérance, par laquelle ils pénétrèrent dans l’Inde, et dans toute l’extrémité orientale de l’Asie, que l’islamisme n’avait fait qu’effleurer, et où il n’avait pu établir sa puissance. Lassés des obstacles que leur présentait le croissant dans la Méditerranée, et ne pouvant se détacher de l’Orient, pour lequel la communion violente des croisades leur avait inspiré encore plus d’amour, les Européens firent un circuit énorme pour aller le retrouver, et furent amplement dédommagés de leurs périlleuses fatigues, en nouant avec lui des relations plus intimes et plus larges, en connaissant mieux l’Orient de l’Inde et de la Chine. Depuis trois siècles, la route que suit le commerce européen est encore celle du Cap de Bonne-Espérance.

Cependant l’aspect du monde a bien changé ; l’empire turc est en décadence ; la race arabe tend les bras aux Européens, et leur redemande les arts, la science et la richesse. Déjà Bonaparte, préoccupé de l’établissement des Anglais dans l’Inde, avait voulu reprendre la voie la plus directe et la plus franche vers l’Orient, afin de donner à la France un rôle prépondérant dans cette grande question. La France, maîtresse de l’Égypte, allait rouvrir le canal des deux mers ; la possibilité en fut constatée par la science moderne ; tous les travaux préparatoires furent exécutés par les ingénieurs français ; l’Europe crut un instant que ses navires allaient franchir l’isthme de Suez, et que l’Inde allait être de nouveau conquise par l’Alexandre moderne. Mais vous savez comment il échoua en Syrie.