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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

Mais, indépendamment de ce système de canaux intérieurs, il y avait encore un canal de dérivation par l’isthme vers la Méditerranée, entre les lacs amers et l’ancienne Péluse. Cet appendice, comme on voit, était la partie la plus importante du projet, puisqu’il formait le véritable canal de jonction de la Méditerranée à la mer Rouge et qu’il aurait pu être assez profond, par l’affluence des eaux des lacs amers, pour donner passage à de forts navires. Les ingénieurs du projet l’avaient bien senti quand ils s’exprimaient ainsi : « Nous pensons qu’un canal ouvert sur cette direction présenterait un avantage que n’aurait pas le canal de l’intérieur. En effet, la navigation pourrait y être constante, puisqu’il serait facile d’y entretenir une profondeur plus considérable que celle du premier canal, au moyen d’un courant alimenté par l’immense réservoir des lacs amers d’où les eaux, par leur chute, pourraient acquérir une vitesse capable de prévenir les dépôts de sable que les vents y apporteraient du désert. On n’aurait point à craindre qu’il s’y formât de barre, parce que les eaux de la mer, qui alimenteraient les chasses, n’y déposeraient pas de limon, et que l’énergie du courant, qu’on pourra resserrer entre deux jetées, devra entretenir un chenal constamment ouvert et profond. Ce canal restant toujours navigable, on pourrait plus souvent profiter des vents favorables à la sortie de la mer Rouge. J’ajouterai que, si je ne voyais quelques difficultés à recreuser et à entretenir à la profondeur convenable le chenal entre Suez et sa rade, je proposerais d’établir, à l’usage des corvettes et même des frégates, la communication directe des deux mers par l’isthme ; ce qui deviendrait le complément de cette grande et importante opération. »

Comme il ne s’agit point maintenant d’établir un système de canalisation intérieure, nous pouvons, dans le projet actuel, élaguer le canal de Rhamanieh, celui de Faraounieh, celui de Moezz, le bief à droite et le bief à gauche du bassin de partage, et le canal du Kaire lui-même. Il nous restera donc : 1o les lacs amers ; 2o le recreusement du canal qui conduit les eaux de la mer Rouge dans les lacs amers ; 3o le canal de dérivation des lacs amers à la Méditerranée vers Thyneh ; 4o les travaux accessoires d’écluses, pont, jetées, etc. D’après le devis des ingénieurs français, ces différens travaux ont été estimés :

Recreusement du canal d’eau de mer, sur 11,000 toises de développement 
1,287,000 francs.
Canal de dérivation des lacs amers à la Méditerranée sous l’ancienne Péluse, 14,000 toises 
2,500,000
Écluse double et pont à l’entrée du bief d’eau de mer sur les lacs 
350,000
Écluse de chasse et de navigation, bassin et pont, au débouché du canal dans la mer Rouge, à Suez 
450,000
Écluse de chute à sas, et grand déversoir à la prise d’eau du canal de dérivation des lacs amers 
1,200,000