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REVUE DES DEUX MONDES.

vons rendre justice à ce que l’Angleterre a déjà fait ; la carte de la mer Rouge, fruit des travaux de cinq années d’une escadrille envoyée par la compagnie des Indes, est un jalon précieux ; l’établissement des paquebots à vapeur de Bombay à Suez est déjà un commencement de pratique. Les Anglais ont aussi fourni à Mohammed-Ali un paquebot à vapeur en fer, pour la navigation du Nil. Matériellement, la question est donc très avancée, puisqu’il ne reste plus que l’isthme de Suez pour compléter la ligne de vapeur.

Ici est le nœud de la difficulté. 1o Comment l’isthme de Suez doit-il être traversé ? Est-ce par un canal de navigation ? est-ce par un chemin de fer ? 2o Le genre de travail arrêté, quel est le mode à suivre pour son exécution ? Qui doit en fournir les fonds, et en retirer les profits ? qui doit en être propriétaire et administrateur ?

La question de préférence entre les canaux et les chemins de fer, qui a été agitée pour beaucoup d’autres localités, se présente aussi pour Suez d’une manière bien plus large et bien plus neuve. Pour la résoudre, examinons d’abord le système de canalisation ; nous le comparerons ensuite au chemin de fer.

CANAL DES DEUX MERS.

D’après les plans et les études des ingénieurs français de l’expédition d’Égypte, la jonction de la mer Rouge à la Méditerranée résultait d’un système de canalisation intérieure dans l’isthme et le Delta, jusqu’à Alexandrie. Ce système consistait : 1o dans le canal actuel du Kaire el kalidj, éclusé, et versé dans l’Ouâdi Toumlâh, avec un bassin de partage à Senekah ; le surcroît des eaux, après avoir rempli l’Ouâdi, aurait servi à entretenir les canaux de Bubaste et de Moezz ; la pente du canal étant le double de celle du fleuve, devait fournir une bien plus grande quantité d’eau, avec moins de dépôts ; 2o à gauche du bassin de partage, on établissait le premier bief, de 19,490 mètres, rempli à la fois par les eaux du Nil entrant dans le canal de Moezz à Atryb, et par les eaux du bassin ; 3o à droite, un second bief dans l’Ouâdi, de 72,500 mètres, rempli par les eaux du bassin ; 4o un troisième bief, formé par l’excavation naturelle des lacs amers, de 40,000 mètres, rempli par les eaux du Nil, et entretenu à la hauteur correspondante des basses eaux de la mer Rouge ; 5o le canal entre les lacs amers et le golfe de Suez, de 21,439 mètres, rempli par les eaux de la mer Rouge, entretenu au niveau des basses eaux de cette mer, et ayant alors 10 pieds environ de profondeur, et dans les hautes eaux pouvant avoir jusqu’à 16 et 17 pieds.

Voilà ce qu’on appelait le canal des deux mers. À Atryb, on aurait pris le canal de Faraounieh, qui traverse le Delta, et conduit dans la branche de Rosette, où l’on serait entré dans le canal de Rhamanieh, pour arriver à Alexandrie. Ces canaux auraient été recreusés et restaurés. D’Atryb, on pouvait encore se rendre à Damiette ou au Kaire, en descendant ou en remontant la branche de Damiette.