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rompre trois cents en trente jours. Suerro nous a laissé un récit de ce pas d’armes. Il fit publier des clauses conformes aux lois de la chevalerie, et auxquelles devaient se soumettre tous ceux qui se présenteraient ; quelques-unes sont curieuses, et respirent encore à cette époque avancée la générosité et la courtoisie de l’ancienne chevalerie. Les voici :

« Tout chevalier étranger trouvera là des chevaux et des armes, sans que moi ou mes compagnons nous nous donnions le moindre avantage.

« Trois lances seront rompues avec tout chevalier qui se présentera ; on tiendra pour rompue celle qui enlèvera un chevalier de la selle ou fera couler du sang.

« Chaque honorable dame qui passera par ce lieu ou à une demi-heure de distance, et qui n’aura pas de chevalier qui veuille soutenir pour elle le combat, perdra le gant de sa main droite.

« Lorsque deux chevaliers ou plus viendront pour dégager le gant d’une dame, le premier sera seul admis.

« Comme il y a beaucoup d’hommes qui n’aiment pas véritablement et qui pourraient désirer de dégager le gant de plus d’une dame, on ne le leur permettra point, et on ne rompra pas plus de trois lances avec chacun d’eux.

« Trois dames de ce royaume seront nommées par les hérauts d’armes pour assister à l’entreprise comme témoins, et pour garantir, par leur témoignage, ce qui s’y passera. Mais j’assure que la dame à qui j’appartiens ne sera pas nommée, malgré mon respect pour ses grandes vertus.

« Le premier chevalier qui se présentera pour dégager le gant d’une dame, recevra un diamant.

« Si un chevalier éprouvait un dommage dans sa personne ou sa santé, comme il arrive trop fréquemment au jeu des armes, je le soignerai comme moi-même aussi long-temps qu’il sera nécessaire, et plus long-temps encore. »

Le manifeste se termine ainsi :

« Qu’il soit connu à tous les seigneurs du monde, à tous les chevaliers et nobles qui entendront parler des conditions de ce combat, que si la dame que je sers venait sur cette route, elle doit passer librement, sans que sa main droite perde son gant, et aucun autre chevalier que moi ne doit combattre pour elle ; car, à nul il ne convient de le faire aussi bien qu’à moi. »

Ceci fut envoyé solennellement par Suerro à la cour de Castille,