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L’ESPOIR EN DIEU.

— Espère seulement, répond la foi chrétienne ;
Le ciel veille sans cesse, et tu ne peux mourir.

Entre ces deux chemins j’hésite et je m’arrête.
Je voudrais, à l’écart, suivre un plus doux sentier.
Il n’en existe pas, dit une voix secrète ;
En présence du ciel il faut croire ou nier.
Je le pense en effet ; les ames tourmentées
Dans l’un et l’autre excès se jettent tour à tour,
Mais les indifférens ne sont que des athées ;
Ils ne dormiraient plus s’ils doutaient un seul jour.
Je me résigne donc, et puisque la matière
Me laisse dans le cœur un désir plein d’effroi,
Mes genoux fléchiront ; je veux croire, et j’espère.
Que vais-je devenir, et que veut-on de moi ?

Me voilà dans les mains d’un dieu plus redoutable
Que ne sont à la fois tous les maux d’ici-bas ;
Me voilà seul, errant, fragile et misérable,
Sous les yeux d’un témoin qui ne me quitte pas.
Il m’observe, il me suit. Si mon cœur bat trop vite,
J’offense sa grandeur et sa divinité.
Un gouffre est sous mes pas ; si je m’y précipite,
Pour expier une heure il faut l’éternité.
Mon juge est un bourreau qui trompe sa victime.
Pour moi tout devient piége, et tout change de nom.
L’amour est un péché, le bonheur est un crime,
Et l’œuvre des sept jours n’est que tentation.
Je ne garde plus rien de la nature humaine ;
Il n’existe pour moi ni vertu ni remord.
J’attends la récompense et j’évite la peine ;
Mon seul guide est la peur, et mon seul but, la mort.

On me dit cependant qu’une joie infinie
Attend quelques élus. — Où sont-ils, ces heureux ?
Si vous m’avez trompé, me rendrez-vous la vie ?
Si vous m’avez dit vrai, m’ouvrirez-vous les cieux ?
Hélas ! ce beau pays dont parlaient vos prophètes,
S’il existe là-haut, ce doit être un désert.
Vous les voulez trop purs, les heureux que vous faites,