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LA LITTÉRATURE EN DANEMARK.

la sentence de Dieu te condamne et sa colère s’abaissera sur toi. Tu verras mourir tes porcs, tes bœufs, tes brebis. Le sol que tu laboures sera frappé de stérilité, et de ton travail il ne naîtra que des chardons et des épines. Si tu n’acquittes pas fidèlement la dîme, tous les fléaux tomberont sur toi ; tes amis t’abandonneront, tes enfans prendront le chemin du vice, ton fils sera pendu, toutes les joies de ce monde te fuiront, et tu descendras en enfer. »

Mikkel avait, pour son époque, un talent assez remarquable de composition. Ses vers sont nets et coulans ; sa langue est plus correcte que celle de ses prédécesseurs. Sous le rapport de la pensée et de l’imagination, il n’occupera jamais qu’une place très secondaire ; mais sous le rapport du style, il mérite d’être placé en tête des poètes danois du XVe siècle.

Une vingtaine d’années plus tard, la même ville d’Odensée vit apparaître un autre poète, dont le nom mérite d’être cité parmi ceux qui ont frayé une nouvelle voie et indiqué un nouveau genre : c’est le maître d’école Chrétien Hansen, le premier qui tenta de fonder en Danemark un théâtre[1]. Il écrivit trois pièces dramatiques, moitié plaisantes, moitié sérieuses, dont le sujet est vraisemblablement emprunté à l’ancien théâtre allemand, et toute la composition accuse, par sa naïveté, l’enfance de l’art. La première a pour titre : Histoire d’un homme qui, au moyen d’un chien, séduit une femme. Les personnages sont : Maritus, Uxor, Vir Rusticus, Bastuemand (baigneur), Mulier, Monachus, Aulicus, Vetula, Diabolus, Prœco. Le Prœco est le prologue qui ouvre la pièce par une harangue destinée à appeler l’attention du public, et la termine par une sentence morale. Immédiatement après le prologue, arrive un bon bourgeois, nouvellement marié, qui part pour un pélerinage et dit adieu à sa femme. À peine est-il loin que les galans se présentent à la porte. C’est d’abord un voisin assez rustique, qui va droit au but et fait sa déclaration d’amour, sans y mettre beaucoup de phrases de rhétorique. La jeune femme le renvoie très sèchement. Il est remplacé par un moine aux paroles élégantes et doucereuses. Puis vient un homme de cour, qui fait les plus magnifiques promesses. Mais les phrases poétiques de l’un, les protestations de l’autre, sont également inutiles. Le moine, désespéré, se retire. L’homme de cour va trouver une magicienne et la paie pour qu’elle séduise, par quelque philtre, le cœur de celle qu’il aime. La magicienne appelle à son secours les esprits infernaux ; mais, comme elle n’est arrivée probablement qu’au pre-

  1. Nous ne parlons ici que des œuvres de théâtre écrites selon quelques principes d’art et d’esthétique. Si l’on veut prendre le mot de théâtre dans toute son extension, il est certain que les Danois, les Suédois et les Norvégiens connaissaient depuis long-temps cette espèce de jeux scéniques, dont on retrouve les traces dans l’histoire de tous les peuples. L’Edda parle du jongleur que Gylfe rencontre à la porte des dieux ; Snore Sturleson raconte que le roi Hugleik avait à sa cour des harpistes, des magiciens, des ménestrels. Plusieurs chants de Kœmpeviser peuvent être regardés comme des compositions dramatiques qui se récitaient avec une sorte d’appareil théâtral, et les Lakare suédois, dont nous aurons occasion de parler plus tard, étaient accompagnés de musique et de pantomimes.