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EXPÉDITION DE CONSTANTINE.

promesse sur ces troupes encore fraîches et plus ouvertes aux heureuses qu’aux fâcheuses impressions.

Le lendemain, on se mit en marche sous un ciel épuré et à travers des pentes faciles, qui, malgré leur complète nudité, présentent un aspect agréable par la multiplicité de leurs plans, la dégradation de leurs teintes et l’harmonie de leurs lignes. Cependant on dirait que cette région a été frappée, comme autrefois l’Égypte, d’une plaie miraculeuse, et qu’une verge de Moïse, s’étendant sur elle, a desséché dans son sein la veine productive d’où sortent les plantes arborescentes. Quoique la terre soit abondante, grasse, et partout, sinon arrosée à grandes eaux, du moins suffisamment humectée, quoiqu’elle se couvre facilement de moissons là où elle est cultivée, et d’une herbe fine et serrée lorsqu’elle est abandonnée à elle-même, nulle part elle ne pousse le moindre buisson, la moindre branche, le moindre élément d’une végétation un peu consistante. Dans cette contrée, où l’homme semble condamné à ne pas connaître les bienfaits et les joies du feu, nos soldats, sans la prévoyance des chefs, auraient eu à subir la disette, même au milieu de l’abondance des alimens que l’on n’aurait pu faire cuire. Il avait été ordonné que chaque homme porterait sur lui un petit faisceau de branches coupées et préparées à Medjez-Amar. Ce fut avec ces ressources que, jusqu’à l’arrivée sous les murs de Constantine, s’entretinrent les modestes feux des bivouacs. La seconde journée de marche fut courte. On campa de bonne heure sur les bords du Oued-Zénati, en un lieu que distingue le marabout de Sidi Tamden.

Le 3, on chemina pendant une grande partie de la journée le long du Oued-Zénati, dans une vallée assez étroite, resserrée sur la rive gauche par des mouvemens de terrain vagues et adoucis, et sur la rive droite par une berge plus raide, plus accentuée et découpée par de nombreux ravins. La rivière s’efface par intervalles ; ses eaux et les traces de son lit se perdent dans des terrains plats et mous, sous des galets qui envahissent et nivellent le sol. Quand on arrive à un certain point, en remontant son cours, on la cherche et on ne la trouve plus. On ne sait où lui assigner une origine. Le Oued-Zénati n’a pas une source qui puisse porter son nom. C’est la réunion de vingt ruisseaux, qui, dans un espace très limité, affluent et s’absorbent mutuellement. On parvint à un mamelon culminant, d’où l’on voit les terrains inférieurs partager comme arbitrairement leurs eaux vers le Oued-Zénati et la Seybouz, et vers le Bou-Mesroug et le Rummel. Les versans sont tellement peu distincts à l’œil, que souvent on ne peut vérifier que par leur mouvement de quel côté tombent les ruisseaux, qui étendent de toutes parts leurs nombreuses ramifications. On approchait d’un contrefort qui forme saillie sur une longue vallée, lieu habituel des établissemens de plusieurs douars, lorsqu’on vit s’élever, sur la droite des troupes, une colonne de fumée. À mesure qu’on avançait et que de nouvelles perspectives s’ouvraient dans la direction de Constantine, on apercevait la route se jalonner d’incendies. C’étaient les Arabes qui brûlaient les meules de paille entassées sur les emplacemens