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EXPÉDITION DE CONSTANTINE.

de l’artillerie ennemie par la saillie d’un mouvement de terrain, et prêtes à se porter sans grand effort à la place qu’elles devaient prendre à la batterie de brèche.

Pour garantir cette opération contre toute tentative d’attaque et de sortie, on avait fait occuper vers neuf heures du soir, par un détachement du 47e, un grand bâtiment en ruines, situé presque au bord du Rummel, au pied des pentes de Kodiat-Aty, et à peu de distance en avant du point où devait s’effectuer le passage de la rivière. On jeta également quelques troupes dans une petite enceinte plus rapprochée de la place. À sept heures, le travail pour l’établissement de la batterie de brèche fut repris, et il fut poussé pendant toute la nuit avec une grande vigueur, malgré des averses assez fréquentes ; mais il n’y eut pas de pluie continue. Au jour, le coffre de la batterie était presque terminé, et l’on put enfin déclarer que le sort des troupes françaises n’était plus à la merci d’un orage ou de quelques ondées. La fortune de l’armée était entrée dans le port, mais elle n’y avait pas encore jeté l’ancre.

Le 10 au matin, lorsque le jour força de suspendre les travaux extérieurs de la batterie, on se restreignit aux parties intérieures et aux dispositions que l’on pouvait prendre à l’abri du massif déjà élevé. Cependant les assiégés sentaient que l’heure de la crise fatale approchait, et ils voulurent encore une fois tenter de l’éloigner ; car ils comprenaient qu’ils n’avaient pas d’alliés plus sûrs, plus puissans, que les journées qui se succédaient, nous apportant la pluie, les maladies, la gêne dans nos opérations ou l’impossibilité d’agir, nous enlevant des hommes, des munitions, et brisant toutes nos forces, jusqu’à ce qu’il en arrivât une qui comblât la mesure des difficultés et nous chassât de devant leurs murs. Il ne s’agissait que de donner à celle-là le temps d’arriver. Ils se décidèrent donc à reproduire dans une nouvelle épreuve leur mouvement du 7, en repassant presque exactement par la trace qu’ils avaient marquée dans cette première sortie, quoiqu’ils n’espérassent pas sans doute arriver à un résultat positif. Mais ils voulaient acheter, même au prix d’un peu de leur sang, l’avantage de jeter à travers nos opérations du trouble, de l’hésitation, et peut-être du ralentissement. Vers onze heures, des Turcs, des Arabes, des Kabaïles, la plupart sortis de la ville par des poternes et par des issues détournées, et d’autres accourus des hauteurs où ils étaient en observation, pour se joindre aux premiers, se répandirent, à la faveur des ravins et des bas-fonds, sur le front et sur le flanc gauche de la position de Kodiat-Aty. Ils recommencèrent la manœuvre qui leur avait déjà réussi, de se rapprocher de nos coups pour mieux s’y dérober, et ils allèrent comme rentrer dans leurs anciennes empreintes le long des escarpemens et des ressauts de terrain que couronnaient sans les éclairer les créneaux de la légion étrangère. Chacun aurait pu rester ainsi à son poste, les assaillans incrustés dans les coupures du talus, et les troupes françaises derrière leurs parapets de briques, ennemis se touchant presque, mais ne se voyant pas, sans que de cette position résultât d’autre perte, de part ou d’autre, que celle de quelques im-