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REVUE. — CHRONIQUE.

de sept membres, qui avait la connaissance de toutes les affaires civiles et criminelles, qu’il jugeait conformément aux usages du parlement de Paris. On concéda des droits qu’on n’accordait à aucune colonie ; on essaya de tout, même du gouvernement de la Compagnie des Indes occidentales, à laquelle Louis XIV livra le Canada. Courcelles, Fontenac, La Bare, le marquis de Vaudreuil, s’y appliquèrent tout à tour, et cependant, à la capitulation de Québec, quand le Canada resta définitivement aux Anglais, après avoir été deux cent seize ans dans nos mains, toute sa population ne s’élevait qu’à 27,000 ames. Vingt ans après la conquête des Anglais, en 1783, elle était de 113,000 ames ! D’après le dernier recensement, elle est de 911,229. Les terres cultivées sont évaluées à 15,200,000 livres sterling, et les terres non cultivées à 3,333,000 livres sterling. Les terres mises en état de culture ont triplé depuis 1811. Le commerce s’est développé dans une égale proportion, et la consommation des produits des manufactures anglaises, depuis cette époque, a été annuellement de plus de 50,000,000 de francs. Le secret de l’Angleterre n’est pas difficile à pénétrer. Il se trouve dans tous ses actes officiels. Il résulte du rapport du comité des finances que les fortifications du Canada, dont on poursuit le plan depuis deux ou trois ans, coûteront près de 75,000,000 de francs. Des sommes considérables ont été dépensées pour les routes et les établissemens publics. Le seul canal entre Montréal et Kingston, au moyen des rivières Rideaw et Ottawa, a coûté déjà plus de 400,000 livres sterling, d’après l’ordonnance officielle du 26 mars 1836. La balance se trouve cependant aujourd’hui en faveur de l’Angleterre. Elle a plus reçu du Canada qu’elle ne lui a donné, et si elle perd cette possession, il lui restera les ressources d’un traité de commerce, dont les résultats peuvent être encore immenses pour l’ancienne métropole. Nous n’avons pas craint de nous étendre sur ces faits, car ils ne nous semblent pas tout-à-fait inutiles à faire connaître, au moment de la discussion qui se prépare sur les travaux que le ministère propose de faire dans nos possessions d’Afrique.

Qu’on veuille bien arrêter maintenant sa pensée sur cette petite histoire, très incomplète, des affaires politiques, pendant deux semaines. Sont-ce bien là les propositions d’un ministère faible, hésitant, étroit, comme se plaît à le montrer l’opposition ? Ce ministère si timide, qui voudrait, dit-on, se dérober à tout, a rempli l’intervalle des deux sessions d’actes qui ont une certaine valeur politique. Ce sont, si on les a oubliés, l’amnistie, le mariage de l’héritier du trône, l’expédition de Constantine, la pacification de l’Afrique et les élections générales. Il a fermé les jeux publics, proposé un commencement de réforme judiciaire, créé des travaux de navigations et de routes dans tous les départemens, et aujourd’hui il se présente devant les chambres avec un ensemble de vues qui tendent, les unes à l’affermissement du pouvoir de la France en Afrique, les autres à faire de la France le centre des rapports commerciaux de l’Europe entière, et toutes à l’accroissement de la grandeur du pays. Lui déniera-t-on maintenant la prudence, la réflexion, la timidité, si l’on veut, qu’on lui a jetées jusqu’à ce jour comme des reproches ? Voudra-t-on supposer qu’un ministère qui n’avance, dit-on, qu’après avoir tâté deux ou trois fois le sol, s’est élancé sans réflexion dans la voie qu’il vient d’ouvrir, et qu’il veuille courir en étourdi à la ruine de la France ? Le ministère, qui craint d’engager sa responsabilité en émettant pour quelques centaines de mille francs de bons de l’emprunt grec, et qui vient se mettre à