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Le crédit de 1,500,000 fr. demandé par le ministère, qui a proposé lui-même une réduction de 500,000 fr. sur le crédit du dernier exercice, a nécessité de longues explications dans les bureaux de la chambre. Celles de M. de Montalivet n’ont pas duré moins de trois heures, et l’on assure que, sans compromettre le secret des affaires de police et de sûreté générale, le ministre a su faire en quelque sorte apparaître jusqu’aux nécessités de détail qui ont forcé le ministère à s’arrêter à ce chiffre de 1,500,000 fr. dans sa demande de réduction. Nous ignorons l’effet produit par les explications du ministre de l’intérieur ; mais il paraît certain que le ministère a insisté sur la nécessité absolue d’un crédit sans lequel il ne se croirait pas en mesure de faire face aux difficultés du gouvernement.

Le ministère de la guerre a demandé un crédit pour augmenter l’effectif de l’armée d’Afrique. Si ce crédit était accordé, l’effectif de 1838 serait de 48,000 hommes et de 11,372 chevaux. Un second crédit serait ouvert pour effectuer l’agrandissement de l’enceinte d’Alger, dont la population croît sans cesse, et pour couvrir ses faubourgs. Ce crédit serait encore employé à fortifier les villes de Blida et Coleah, à les lier entre elles par des travaux sur la rive orientale de la Chiffa ; à couvrir d’ouvrages militaires les camps et les plateaux de Bone à Constantine, à relever le poste de la Calle, à améliorer les ports et les rades, entre autres celle de Mers-el-Kébir, dont les avantages maritimes sont si grands ; enfin à nous établir en Afrique par les travaux, par les fortifications, par les facilités des communications maritimes, de manière que nous puissions successivement diminuer l’armée d’occupation, que nous sommes forcés d’augmenter aujourd’hui faute de ces ressources. Voilà l’esprit des deux projets dépendans de ces deux crédits. On y retrouve tout l’esprit de sagesse et de combinaison dont le général Bernard a donné tant de preuves en Amérique et en Europe.

Personne n’hésite à rendre justice à l’Angleterre, quand il est question de colonies et d’établissemens lointains ; mais on ne songe guère aux sacrifices qu’elle sait faire avec tant de grandeur pour l’avenir de ces possessions. Nous ne citerons que le Canada, puisqu’il attire tous les yeux en ce moment. Il se peut qu’il échappe quelque jour à l’Angleterre, parce que les dominations étrangères si éloignées sont soumises à des chances bien diverses ou bien imprévues ; mais l’Angleterre a gardé le Canada pendant de longues années, et les dépenses qu’elle y a faites, non-seulement lui ont assuré cette possession pendant tout ce temps, mais se sont trouvées compensées pour les nouveaux rapports qui ont été ainsi créés entre le Canada et l’Angleterre. On sait que le Canada nous appartenait déjà du temps de François Ier, que le marquis de la Roche et le marquis de Chauvin y furent successivement revêtus de la dignité de vice-rois. Sous le règne de Henri IV, cette dignité passa tour à tour du prince de Condé au maréchal de Montmorency, et à son neveu le duc de Ventadour. On ne peut donc dire que la possession du Canada ait été traitée comme une affaire de peu d’importance. On s’en occupa activement, ardemment, ce qui n’empêcha pas la colonie de se rendre aux Anglais sur une simple menace du général Kirk. Quand le Canada nous fut rendu, sous Louis XIII, par le traité de Saint-Germain, la vice-royauté de la colonie, sa prospérité, furent tour à tour confiées aux hommes qu’on jugea les plus capables, à d’Aillebout, à Lauzon, au marquis d’Argenson, au baron d’Avangour. On essaya plus tard, en 1663, d’un conseil souverain composé