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SAVANTES.

tous les partis. On ne pensa plus qu’à se concerter sur les moyens de détruire l’ennemi que la fortune ramenait une dernière fois sur le champ de bataille. L’Autriche avait proposé de couper la Saxe en deux, d’en donner une moitié à la Prusse, et de laisser l’autre à Frédéric-Auguste ; la proposition fut acceptée, et l’on marcha contre la France.

La moitié de la Saxe n’ayant pu suffire à couvrir la Prusse de la perte qu’elle avait faite de ses provinces polonaises, on lui adjugea, pour compléter ses indemnités, le grand-duché du Bas-Rhin. Après la chute définitive de Napoléon, le second traité de Paris du 20 novembre 1815 réunit encore à cette monarchie Sarrelouis et le territoire voisin.

Il y avait sans doute de la noblesse à protéger ce vénérable roi de Saxe, qui, pendant tant d’années, avait honoré le trône et le commandement ; mais il est bien évident que le zèle de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre s’est ici mépris. Puisqu’on avait résolu de réorganiser le continent sur des bases solides et durables, il ne fallait pas s’arrêter à des intérêts secondaires. Ce n’est point pour la sûreté de la Prusse seulement qu’il fallait la constituer fortement, mais pour la garantie de tout l’Occident. Au lieu d’épuiser leur énergie à défendre la Saxe, les trois puissances auraient dû avoir le courage d’attaquer de front les prétentions de la Russie et de l’empêcher de passer la Vistule. Elles auraient eu l’assentiment de tous les cabinets. Du moment qu’elles lui permettaient de franchir le fleuve et de prendre poste à deux pas de l’Oder, il valait mieux livrer à la Prusse la Saxe entière et laisser à la France les provinces rhénanes. Les deux puissances eussent trouvé dans cette double combinaison, la Prusse, une force de concentration qu’elle n’a pas, et la France, le complément indispensable de son territoire.

La Russie se trouve en état d’offensive contre tous les pays auxquelles elle confine, contre la Prusse, que la Wartha ne couvre pas, contre l’Autriche, découverte sur toute sa ligne du nord, enfin contre la confédération germanique, dont elle n’est plus séparée que par l’Oder. Il fallait que la Russie eût pris sur les autres puissances un ascendant bien dominateur pour qu’elles se résignassent à livrer ainsi sans défense l’Europe, sa civilisation et les arts qui la décorent aux spéculations ambitieuses d’un empire dont la pensée constante est de faire sentir à l’Occident sa suprématie.

La population de la Prusse était, en 1806, de dix millions d’ames. Elle a été portée, en 1815, à près de douze millions ; elle est aujour-