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REVUE. — CHRONIQUE.

été imaginée dans leur camp. Aussi sommes-nous convaincus que les ministres donneront à ces bruits un démenti solennel, le seul qui puisse dissiper tous les doutes, en prenant à la discussion une part très active, en défendant le projet envers et contre tous, avec ce talent, cette énergie, cette fermeté, cette obstination, dont ils ont donné plus d’une preuve lorsqu’ils étaient convaincus de la nécessité d’une grande mesure. Nous sommes convaincus que le cabinet ne se fait pas de vaines illusions. Encore une fois, si le projet échouait, la moindre conséquence qu’on pourrait en tirer serait que le ministère ne gouverne pas, qu’il est traîné à la remorque par de prétendus amis auxquels il ne coûte rien de le déconsidérer, qu’il ne vit que d’une vie précaire et d’emprunt. Nous comptons à la fois et sur ses lumières et sur sa loyauté, quelque peu aussi sur son propre intérêt.

La chambre elle-même se préparerait, par le rejet de la loi, un avenir bien morne et des souvenirs difficiles à porter. Dans dix-huit mois ; dans un an, peut-être plus tôt, il faudrait reparaître devant le corps électoral et lui avouer qu’on n’a pas osé faire ce que Napoléon et Vauban jugeaient indispensable au salut de la patrie, qu’on n’a pas osé fermer à l’étranger l’entrée de la capitale. Il faudrait reconnaître qu’on a préféré à ce grand intérêt national l’économie de quelques millions, les agrémens de la promenade au bois de Boulogne, la tranquillité et le doux sommeil de la bourgeoisie et du commerce de Paris ; car, après tout, ce sont là les seules raisons, je ne dis pas bonnes, le ciel m’en préserve, mais réelles.

Au surplus, nous avons la ferme espérance que le projet sera adopté et par une majorité imposante. Nous supplions tous les amis de cette grande œuvre nationale d’imiter la sagesse politique du rapporteur et de la commission de la chambre. Ils ont fait au gouvernement des concessions ; il faut les maintenir. Essayer des amendemens dans le sein même de la chambre, c’est s’affaiblir, se désunir, prêter le flanc aux adversaires de la loi, qui sauront bien se porter en masse partout où ils apercevront une brèche, dans l’espoir de voir le nombre de suffrages affirmatifs diminuer dans le vote final.

En attendant ce grand débat, la chambre des députés élabore péniblement le projet de loi sur la vente des immeubles. C’est une discussion qui ne paraît pas devoir laisser de traces lumineuses dans les annales parlementaires. La chambre des députés n’a pas plus osé que la chambre des pairs introduire dans la loi la seule disposition qui aurait été vraiment utile, la purge par l’effet de l’adjudication de toutes les hypothèques même légales. C’est se traîner dans l’ornière d’une jurisprudence timide et rétrospective.

À l’occasion d’une disposition relative au choix des journaux où doivent être insérées les annonces judiciaires, il s’est élevé une discussion plutôt animée que lumineuse, les uns voulant confier aux tribunaux la désignation des journaux, les autres réclamant le régime de la liberté. On a invoqué à ce sujet les grands principes de la liberté de la presse. C’est un abus des mots. Il ne s’agit que d’industrie. On ne publie pas des opinions, mais de modestes extraits de cahiers des charges. Quoi qu’il en soit, et sans vou-