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importance et méritent d’être éclaircis. Vient ensuite la question capitale, celle de savoir si la France peut et doit ne tenir aucun compte de ce qui s’est passé, et rentrer purement et simplement dans l’alliance. Sur tout cela, je dirai ce que je sais et ce que je pense aussi froidement qu’il me sera possible. Ce ne sont point ici, en effet, des questions de parti, et, défenseurs ou adversaires de la politique du 1er mars, nous avons tous un égal intérêt à savoir pourquoi l’Angleterre s’est séparée de la France, et quelles doivent être dans l’avenir les conséquences de cette séparation ?

Je vais d’abord, pour bien fixer la nature et le caractère véritable de l’alliance avant le traité, raconter brièvement certains faits dont plusieurs ne sont pas exactement connus, ou convenablement appréciés.

On sait que pendant les dernières années de la restauration, il existait entre la France et l’Angleterre quelque refroidissement. Par la guerre d’Espagne, la France, en 1824, avait uni sa politique à celle des puissances continentales, et s’était placée à l’avant-garde de la sainte-alliance. Par l’expédition de Portugal, l’Angleterre, en 1826, avait pris sa revanche, et déployé le drapeau constitutionnel en face du drapeau absolutiste. De plus, certaines négociations s’étaient engagées dont le résultat pouvait être de lier étroitement la Russie à la France, et de constituer ainsi une alliance qui eût tenu l’Angleterre en échec. Quand éclata la révolution de juillet, le duc de Wellington, alors premier ministre, vit donc ce grand événement sans beaucoup de chagrin, et n’hésita pas, malgré ses répugnances politiques, à reconnaître le nouveau gouvernement. Mais si, dans cette conduite de l’aristocratie anglaise, il y avait plus d’intérêt bien entendu que d’entraînement vers la France, il en fut autrement au sein des classes moyennes et inférieures. Là se manifesta en faveur de notre glorieuse révolution le mouvement le plus passionné et le plus vif enthousiasme. Pendant quelque temps, l’admiration pour la France fut à l’ordre du jour dans toutes les réunions publiques, à huis clos ou à portes ouvertes, à couvert ou en plein air. Dans quelques processions, on alla jusqu’à porter les couleurs de la France nouvelle à côté de celles de la vieille Angleterre, rapprochant ainsi, par une image visible, deux peuples si long-temps séparés. On eût dit qu’en un jour venaient de s’effacer les souvenirs et les haines, et qu’à la rivalité jalouse de tant de siècles succédaient définitivement la bienveillance la plus sincère et la plus confiante amitié.

Ce fut dans de telles circonstances que le parti whig s’empara du