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Des discussions s’élèvent parmi le peuple, discussions violentes et opiniâtres qui arment le frère contre le frère et se prolongent pendant des siècles. Au commencement du XIVe siècle, il en surgit une en Frise qui a duré deux cents ans ; en 1340, une autre dans la Gueldre, moins longue, mais non moins envenimée, et neuf ans après, ou voit éclater la terrible, lutte des hoeksche et des kabeljausche (hameçons et morues), qui, pendant plus d’un siècle et demi, divise les villes et les villages, et dont le dernier germe n’est pas encore anéanti.

Au milieu de ces dissensions intestines qui affaiblissaient également la bourgeoisie et le peuple, le pouvoir des comtes de Flandre grandit ; leurs vastes domaines sont réunis à la maison de Bourgogne, et tantôt par la force, tantôt par des alliances, les ducs de Bourgogne finissent par se rendre peu à peu maîtres des Pays-Bas. Marie de Bourgogne, en épousant Maximilien, les apporte pour dot à l’Autriche. Charles-Quint les réunit, en 1548, à la monarchie espagnole. Trente ans après, la Hollande, soutenue par le génie de Guillaume-le-Taciturne, par un austère sentiment de liberté et une profonde croyance religieuse, brise violemment le joug de l’inquisition et de l’absolutisme. Puis la voilà organisée en république toute meurtrie encore de son rude combat, mais ferme et résolue, effaçant par sa sagesse les désastres qu’elle a soufferts, relevant les murailles de ses villes, agrandissant ses ports et remplissant les mers du bruit de son nom. L’Orient et le Nord lui sont ouverts. Le monde entier devient tributaire de cette petite confédération d’armateurs et de marchands. Louis XIV l’envahit, et quelques années plus tard c’est elle qui dicte des lois à Louis XIV. Bientôt cependant arrive le temps des révolutions orageuses et des grandes calamités ; les élémens eux-mêmes luttent contre la malheureuse république ; l’hiver fraie un chemin à l’armée de Pichegru, et la conduit au cœur du pays. La Hollande est vaincue, sa liberté est anéantie. Ces fières provinces, ces provinces qui avaient résisté à Philippe II et signé l’union d’Utrecht, perdent tout ce qui leur restait de leur ancienne constitution, tout, jusqu’à leur nom, jusqu’à leurs anciennes limites, et le lion batave, sans griffes et sans force, laissant tomber son faisceau de flèches, n’est plus qu’un vain ornement dans l’écusson d’un roi.

Mais à peine l’orage est-il passé, que ce pays se relève avec le même caractère, la même physionomie, pareil à ses prairies, qui, après avoir été submergées, reparaissent au printemps telles qu’elles étaient avant l’inondation. C’est qu’il y a là une race d’hommes calme