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Nous les ressentons d’autant plus vivement, que nous sommes plus malheureux, et il nous semble que l’Europe devrait être plus indulgente envers un pays à l’égard duquel elle a beaucoup de reproches à se faire. Toutes les nations ont eu leurs jours de gloire et d’abaissement : si nous étions libres et puissans, nous nous contenterions de sourire en lisant les injures que l’on vomit sans cesse contre l’Italie à propos de ces Borgia, qui étaient tous Espagnols ; en l’état où nous sommes, nous ne savons pas pardonner la malveillance de l’intention en faveur de l’ignorance de l’auteur. Un peuple qui se laisserait insulter sans ressentir l’injure aurait perdu jusqu’au souvenir du sentiment national. Voyez, ajoutait-il, comme tous les journaux français se sont émus au bruit d’une farce plate et ignoble, intitulée le Coq gaulois, qu’on joue dans ce moment-ci à Londres, et où il y a une chanson dont chaque couplet se termine par ces mots : Le coq chante et ne se bat pas ! On devrait songer en France que tout cela profite à l’Autriche, qui est bien aise de voir les Italiens s’éloigner pour des misères de la seule nation intéressée à leur délivrance. »

Ces observations étaient justes, et j’en ai pu récemment constater l’opportunité en voyant combien, depuis quelques années, on était devenu ombrageux en Italie à l’égard de la France, et combien on cherchait, par toute sorte de moyens, à user de représailles. Pour répondre à ces articles de journaux où l’on annonce avec une certaine affectation chaque assassinat commis par un Italien, il y a des gens en Italie qui lisent avec une attention scrupuleuse la Gazette des Tribunaux, et qui forment une statistique exacte de tous les crimes qui se commettent en France. Dans la société italienne, on raconte avec délices les histoires vraies ou fausses des lionnes parisiennes et des membres du Jockey-Club, et l’on est enchanté lorsqu’on peut citer tel savant voyageur qui a donné, comme preuve de la douceur du climat de Milan, un palmier sur lequel il a vu des dattes (l’arbre et les fruits sont en bronze), ou tel autre (crime irrémissible aux yeux des Italiens) qui a attribué à Rembrandt un tableau de Raphaël. Tout s’envenime, et comme les gouvernemens italiens cherchent, par tous les moyens, à affaiblir l’influence française en Italie, ils jouissent de ces dissensions et les fomentent. Ces dispositions sont sans doute déplorables ; mais comment les changer ? Il faudrait qu’en France les écrivains et la presse tout entière se rappelassent toujours qu’à raison de la grande action qu’ils exercent sur l’Europe, ils ne