Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/875

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
867
PHILOSOPHIE D’HOMÈRE.

et une liberté d’instinct, de nature, de force ; en un mot, entre le sacerdoce et l’ordre militaire.

Il est hors de doute en effet que, durant l’intervalle de six ou sept cents ans, qui séparent l’époque d’Inachus de celle d’Homère, de nombreuses colonies, principalement d’Égyptiens et de Phéniciens, vinrent fonder la cité sacerdotale chez les Pélages, race différente de la leur, qu’ils appelaient, selon leurs traditions ethnographiques, Iones ou Iaones, enfans de Iaouan ou Javan. Quoique cette longue période ne soit éclairée que de quelques lueurs historiques bien pâles, il reste cependant des indices suffisans pour convaincre que ces cités acquirent en Grèce la même force d’organisation qu’elles avaient en Orient. Ainsi, le souvenir des castes de prêtres-juges, de guerriers, de laboureurs et d’artisans, se conserva long-temps à Athènes ; l’exploitation de la science et l’enseignement par symboles se révèle dans l’institution des mystères et des oracles, et dans l’abondance des mythes qui ont travesti la doctrine et l’histoire de cette époque ; enfin, la domination du dogme de la fatalité est incontestable, car elle fait le fonds de tous ces mythes, elle était le principe des oracles, comme le prouve suffisamment la seule lecture des mythologues et des poètes tragiques. On reconnaît à ces trois caractères l’empreinte orientale bien déterminée. Les nations orientales s’étaient donc répandues comme un déluge sur cette terre si bien placée pour le commerce, et avaient repoussé dans les montagnes de la Thessalie et de l’Épire les hordes indigènes. Là, ces hordes se multiplièrent et s’aguerrirent ; à une certaine époque, elles descendirent vers les rivages occupés par les races étrangères ; la race des Iones ou de Deucalion sortait si nombreuses de ces lieux sauvages, qu’on eût dit que chaque pierre des montagnes était devenue un homme. Hellènes, Doriens, Achéens, tribus diverses dont la première finit par donner son nom à la nation, commencèrent alors une longue lutte qui ne détruisit pas la cité, mais y introduisit des élémens nouveaux, et se termina par la fusion de deux peuples, dont l’un rajeunit, par sa vivacité turbulente, la maturité trop obéissante de l’autre. Cette lutte s’aperçoit, à travers la transparence des mythes, dans les travaux d’Hercule et de Thésée, les chasses de Méléagre, les combats de Bellérophon, l’usurpation d’Œdipe, et d’autres encore ; partout les établissemens orientaux, représentés par les symboles du serpent, du sanglier, des gorgones, du sphinx, sont subjugués par l’aventurier grec. Quand la fusion fut assez avancée pour qu’il n’y eût plus deux peuples, mais seulement deux partis ou deux classes dans le peuple, le mouvement d’invasion ne s’arrêta pas aussitôt : il eut un prolongement au