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LE CONSEIL D’ÉTAT.

la délibération, outre qu’il satisferait des ambitions légitimes, donnerait à l’administration des instrumens d’élite, et le gouvernement saurait à qui confier les postes les plus importans.

Il semble que nul obstacle ne devrait s’opposer à des combinaisons si utiles, et que j’ai souvent entendu approuver par les hommes les plus compétens. Cependant elles gêneraient dans la distribution des emplois ; les ministres veulent avoir les coudées franches, conserver les moyens de déférer à certaines exigences, ne sentent pas que des règles ne leur seraient pas moins utiles à eux-mêmes qu’au service public. Pour ne parler que des auditeurs, on ne fait rien pour eux, on ne songe point à donner vie à leur institution. Loin de là, on a imaginé de leur créer des rivaux destinés aux emplois qu’on avait toujours considérés comme leur lot naturel. Le ministère de l’intérieur, de qui ces emplois dépendent, a reçu des attachés dont le nombre excède, dit-on, cinquante, et qui sont exclusivement appelés aux postes extérieurs de ce département ; le ministère des finances est surchargé de surnuméraires et d’aspirans au surnumérariat. Il semble qu’on prenne à tâche d’effacer le conseil d’état, en lui suscitant partout des concurrences ; on crée pour la préparation des lois des commissions, pour les affaires administratives des conseils intérieurs, pour les emplois dévolus aux auditeurs des attachés et des surnuméraires. Partout le conseil d’état est relégué sur le second plan, et pour ainsi dire annulé.

La commission de la chambre des députés propose deux mesures fort bonnes. Elle veut que, pour devenir auditeur, on ait été déclaré admissible par une commission instituée à cet effet, et que le tiers des emplois des maîtres des requêtes soit dévolu aux auditeurs. J’approuve entièrement la première de ces propositions : nous vivons dans un temps où une capacité expressément constatée doit être la condition de rigueur de toute nomination à des fonctions publiques et un titre absolu à la préférence. Quant à la seconde, je voudrais qu’avant de devenir maîtres des requêtes, les auditeurs fussent tenus d’exercer pendant un temps déterminé un emploi de l’administration active : ce que j’ai dit plus haut justifierait, ce me semble, cette disposition.

La loi ne peut pas consacrer toutes les mesures qui donneraient de la consistance à l’auditorat ; elle doit, comme le propose la commission, s’en référer sur ce point à un règlement d’administration publique ; il sera nécessaire cependant que la chambre ne néglige point cet objet important. Aucune mesure essentielle ne sera prise qu’en