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DES PARTIS EN FRANCE.

dans la minorité du compte-rendu, il y avait, je le sais, de très graves divergences, soit sur l’un, soit sur l’autre des articles du programme. Il n’en est pas moins certain que tous ces articles, chacun pour sa part, et à des degrés divers, concoururent à rallier et à tenir unis les grands partis qui, de 1830 à 1836, se livrèrent tant et de si brillans combats. Il n’en est pas moins évident qu’avant de nous classer dans l’un ou dans l’autre, nous eûmes tous à nous demander de quel côté se trouvait, non la vérité absolue, la vérité toute entière, mais, relativement aux besoins et aux intérêts les plus pressans du pays, la plus grande somme de vérité.

Mon intention n’est point de rechercher ici lequel des deux partis eut raison contre l’autre. J’ai appartenu à l’un des deux, et, sans nier les fautes qu’il a pu commettre, je crois sincèrement encore que, sous les rapports les plus essentiels, il comprit bien la situation et les vrais intérêts du pays. Quoi qu’il en soit, il y avait alors des deux parts des convictions sincères et une foi active. Il y avait aussi, malgré de rares exceptions, un dévouement sincère à sa cause et un noble désintéressement. Aussi, pendant cette période longue et troublée, les luttes parlementaires, malgré quelques tiraillemens et quelques tracasseries, furent-elles généralement grandes et belles. Ce n’était point, comme on l’a trop vu depuis, le duel de quelques ambitions personnelles ; c’était le combat des deux idées fondamentales qui se disputent l’empire du monde ; c’était la discussion des questions les plus graves qui puissent occuper un peuple et s’emparer de son attention passionnée. Gouvernement, opposition, tout grandissait dans la lutte, tout paraissait également digne et sérieux. Après quelques années seulement d’exercice, il semblait que les institutions représentatives en France eussent atteint le même degré de perfection qu’en Angleterre après plus de cent cinquante ans. Pourquoi cette situation changea-t-elle en 1836 ?

En 1836, il faut d’abord en convenir, il y avait au sein même des partis des causes toutes naturelles de dissolution. Notre organisation constitutionnelle et politique était à peu près achevée. La question de paix et de guerre avait disparu. Les partis extrêmes enfin, vaincus dans plusieurs combats et contenus par une législation sévère, semblaient renoncer à leurs projets et attendre désormais de la discussion, non de la violence, le triomphe de leurs idées. Les questions qui depuis 1830 servaient de lien aux deux grands partis de la chambre se trouvaient dès-lors presque éteintes, et d’autres questions naissaient sur lesquelles il était possible qu’on se classât tout autrement.