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officielle et dans une conversation qui roule sur des dépêches que cet ambassadeur vient communiquer de la part de sa cour. J’ajoutai que, comme il était bien connu que le comte Sébastiani était en communication directe et confidentielle avec le roi des Français, l’absence de toute trace d’une pareille proposition dans les archives de l’ambassade ne prouvait pas, d’une manière concluante, que le comte Sébastiani ne fût pas autorisé à la faire. » (Le vicomte Palmerston à M. Bulwer, 22 juillet 1840.)

On comprendrait cette observation si elle venait de M. de Nesselrode ou du prince de Metternich ; mais lord Palmerston, ministre d’un gouvernement constitutionnel, savait fort bien que le roi Louis-Philippe ne pouvait donner d’ordre au comte Sébastiani que par l’intermédiaire du ministre responsable, et il suffisait que le maréchal Soult, consulté par M. Bulwer sur cette proposition, eût répondu qu’il n’avait pas autorisé M. Sébastiani à la faire[1], pour que lord Palmerston dût la considérer comme non avenue.

Au surplus, lord Palmerston déclare lui-même que l’insinuation de M. Sébastiani ne fut pas admise par le gouvernement britannique. Quel argument veut-il donc en tirer ? Si l’Angleterre avait jugé la proposition du général admissible, on concevrait qu’elle reprochât à la France d’avoir retiré une ouverture conciliante aussitôt après l’avoir présentée ; mais le refus immédiat de lord Palmerston nous dispense d’examiner si l’ambassadeur français a fait réellement cette ouverture, et s’il avait le droit de la faire, car s’il l’avait faite, tout ce que l’on pourrait induire de ce qui a suivi, c’est que l’Angleterre s’est montrée, dans ces négociations, encore moins raisonnable qu’on ne l’avait supposé.

M. Thiers a dit avec raison que, s’il y avait un moment où la France pût accéder aux propositions de l’Angleterre, c’était celui où l’Angleterre venait, sur ses instances, de repousser les ouvertures de la Russie. Mais il faut avouer en même temps que le gouvernement anglais ne fit pas assez pour rendre cet accord possible. La Russie elle-même l’a reconnu. On trouve en effet dans une dépêche de lord Clanricarde à lord Palmerston, à la date du 24 février 1841 : « Le comte Nesselrode m’a fait observer dans la conversation qu’il serait bien difficile d’insister sur la restitution de la forteresse d’Acre au sultan, et j’ai répondu que mon opinion personnelle était que votre seigneurie pourrait la laisser à Méhémet-Ali, si l’on obtenait, à ce prix, la coopération de la France. » Faut-il rappeler comment lord Palmerston a

  1. Voir les dépêches de M. Bulwer à lord Palmerston, du 4 et du 7 octobre 1839.