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ses premiers ouvrages, et particulièrement dans son livre intitulé Système financier de la France. Il les rappelle dans son livre du Budget, en y joignant des idées de réforme sur les diverses branches de l’administration. Comme on doit le supposer d’après son système sur les revenus, les réformes administratives de M. d’Audiffret appartiennent à une pensée de centralisation. L’esprit de M. d’Audiffret aime l’unité. L’isolement et l’incohérence lui répugnent. Il veut que l’on concentre les forces pour agir. C’est le moyen à ses yeux d’administrer sûrement et d’obtenir de grands résultats.

Les critiques administratives de M. d’Audiffret nous ont paru justes en général ; mais il arrive quelquefois à l’honorable pair de se tromper de but, et de faire à l’administration des reproches qui doivent s’adresser ailleurs. Il y a des réformes qu’on peut réclamer d’elle, car elle a les moyens de les accomplir. On peut lui demander des règlemens qui fixent les conditions d’aptitude pour chaque emploi. On peut la solliciter de présenter des lois spéciales fixant la nature et les émolumens des fonctions judiciaires, administratives et militaires, dont l’existence et les droits sont encore soumis aux caprices de la politique par la discussion annuelle des budgets. Les ministres sont les protecteurs obligés de cette classe immense qui sert le pays avec honneur ; ils doivent défendre ses intérêts devant les chambres. Si les chambres refusent de s’associer sur ce point à la pensée du gouvernement, il aura du moins rempli un devoir sacré en l’exprimant. On peut également réclamer une impulsion plus ferme et plus uniforme dans le service intérieur des ministères. Les élémens qui les composent sont en général trop isolés les uns des autres. Un contact fréquent rendrait leur action plus sûre. Cela est vrai, surtout pour le ministère des finances, qui a besoin plus que tout autre de cohésion et d’unité. M. d’Audiffret propose de former dans le sein de ce ministère un conseil des principaux chefs de service, qui serait rassemblé périodiquement par le ministre. Les délibérations du conseil s’établiraient sur les points importans du travail ; elles fourniraient au ministre des connaissances spéciales ; elles mettraient au grand jour l’insuffisance ou le mérite ; elles exciteraient l’émulation et imprimeraient à toutes les parties du service une direction commune.

Sur tous ces points et sur quelques autres, nous partageons l’avis de M. d’Audiffret, et nous pensons que l’administration fera bien de mettre à profit les conseils de l’honorable pair. Mais M. d’Audiffret va plus loin ; il demande à l’administration des choses qui ne sont pas en son pouvoir ; il lui demande, par exemple, de fixer définitivement les attributions des différens ministères, de faire à chacun une part qui lui soit propre, et qui ne puisse être augmentée ou diminuée au gré des remaniemens ministériels. M. d’Audiffret sait aussi bien que personne que l’instabilité des circonscriptions ministérielles est l’ouvrage de la politique. Il faut s’en prendre aux chambres qui rendent cette instabilité nécessaire en modifiant sans cesse la situation du pouvoir. Si vous voulez de l’harmonie et de la fixité dans le partage du pouvoir administratif ; si vous voulez que tel ministère, qui n’est à vos yeux