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REVUE. — CHRONIQUE.

ont imposé de nouveaux sacrifices. En présence de ces revers et de ces obstacles, le gouvernement anglais avait un difficile problème à résoudre, un grand parti à prendre. Tout abandonner aurait été une faute et une honte ; poursuivre en même temps deux entreprises gigantesques, c’eût été une folie. On aurait sacrifié la politique à la vanité, et jeté le pays dans de folles dépenses. Il fallait opter entre l’Afghanistan et la Chine, couvrir le désagrément d’une retraite par l’éclat d’une victoire assurée, et pour cela concentrer ses efforts sur un seul point. Nous sommes convaincus que c’est là le parti auquel le gouvernement anglais s’est arrêté : évacuer l’Afghanistan et envahir la Chine. Il ne proclame pas sa résolution, il n’en fait pas bruit. Rien de plus naturel et de plus juste. Les faits viendront successivement nous la faire connaître. L’Angleterre a des intérêts très délicats à ménager au-delà de l’Indus, des prisonniers à sauver, et une retraite à préparer qui ne doit pas ressembler à une fuite. On conçoit dès-lors que les ordres paraissent compliqués, divers, presque contradictoires ; mais, après tout, l’évacuation nous paraît commandée par les circonstances les plus impérieuses. L’Angleterre n’a pas oublié ce qu’il en a coûté à Napoléon pour avoir voulu en même temps faire la guerre aux deux extrémités de l’Europe.

L’expédition contre la Chine semble vouloir se développer sur une vaste échelle. Soixante navires armés, cinquante bâtimens de transport, seize mille hommes à débarquer, c’est une armée formidable pour un peuple dont le courage opiniâtre, mais passif, n’est secondé que par des moyens insuffisans et presque ridicules. Sans doute les Chinois apprendront un jour l’art de la guerre ; ils auront un jour une artillerie meurtrière et d’autres remparts que des cartons recouverts de hideuses peintures. Toutefois l’apprentissage sera long, car leur orgueil est séculaire, et leurs habitudes sont invétérées. En attendant, les Anglais ne peuvent rencontrer de résistance sérieuse de la part des hommes ; qu’ils dirigent leur pointe sur Nankin ou sur Pékin, ce n’est pas une armée chinoise qui pourra les arrêter. Dix mille Anglais dissiperont sans peine cent mille Chinois ; mais les Anglais résisteront-ils au climat ? En pénétrant dans l’intérieur du pays, trouveront-ils les ressources qui leur seront nécessaires ? S’ils en manquent, les navires anglais pourront-ils les leur apporter en remontant une rivière, un canal ? Les communications seront-elles libres, faciles ? Les Chinois voudront-ils, lorsqu’un point capital de l’empire sera occupé, prêter sérieusement l’oreille à des propositions de paix, et reconnaître la puissance de l’Angleterre, ou bien aimeront-ils mieux se retirer, ravager leur pays, et laisser aux Anglais les embarras d’une victoire inutile ? Ce sont là des questions auxquelles même les hommes les mieux informés sont peut-être hors d’état de faire une réponse complète et satisfaisante. La prise de Chapoo a prouvé que les Tartares ne reculent devant aucun sacrifice ; trois cents d’entre eux, plutôt que de se rendre, se sont laissé écraser sous les ruines d’un temple.

Le nouveau tarif américain paraît devoir porter une rude atteinte aux rela-