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tions commerciales entre l’Angleterre et les États-Unis. Les Américains ne tarderont pas à s’apercevoir qu’ils ont affaibli une des principales sources de leur richesse, l’exportation de leurs produits territoriaux. Comment peuvent-ils espérer de voir cette branche si essentielle de leur commerce se conserver, s’accroître, s’ils repoussent par des droits exagérés les moyens d’échange ? Nos producteurs de vin devraient être, pour l’Amérique, un enseignement vivant, irrécusable. Nos vins encombrent les caves de la Gascogne, parce que l’étranger ne peut nous apporter ses moyens d’échange. Ce qui arrive de nos vins arrivera dans une certaine mesure pour le riz, le tabac, de l’Amérique. Tous les sophismes échouent contre la force des choses. On peut repousser la vérité ; c’est en vain qu’on se flatte de l’obscurcir par de pitoyables raisons. Qu’on veuille ne pas faire d’échanges et s’isoler complètement, soit ; mais il est stupide d’imaginer qu’on pourra féconder le commerce en repoussant les moyens d’échange. Lorsqu’on entre dans ces étranges théories, il faut avant tout, pour être humain et prévenir de grands malheurs, arrêter la production. On prépare autrement d’horribles catastrophes et un malaise social qui peut devenir incurable. L’Angleterre en fait une cruelle expérience.

Cependant le gouvernement anglais ne perd pas un instant de vue les intérêts commerciaux de son pays ; il négocie sans cesse et avec une rare persévérance en Europe, en Amérique, partout où il peut espérer de s’ouvrir un marché ou de l’étendre. On sait qu’il n’a pas renoncé à ses négociations avec la France, avec l’Autriche, avec l’Espagne. Probablement il rencontrera dans ces pays de grandes difficultés ; les intérêts y sont si compliqués, que tout traité de commerce est un problème qu’on ne sait par quel bout prendre. Il n’y a pas jusqu’à la politique intérieure, jusqu’à la politique personnelle des ministres, qui ne s’y mêle et n’y apporte des entraves. On ne songe pas seulement à la richesse nationale, aux intérêts généraux du pays ; on songe aussi aux intérêts les plus particuliers, à la richesse de tels ou tels. On a devant les yeux l’urne électorale, et plus encore l’urne législative.

L’Angleterre trouvera probablement plus de facilité dans le Nouveau-Monde. L’Amérique du sud est encore un pays essentiellement agricole, un vaste marché de matières premières. Ces nouveaux états ont sans doute besoin de droits de douanes, mais uniquement dans le but de remplir les caisses du trésor. Précisément parce que la douane n’est pour eux qu’une source de revenus, leur intérêt bien entendu leur commande de ne pas exagérer les droits. Ils tariraient la source où ils ont besoin de puiser. Malheureusement, s’il y a beaucoup d’états dans l’Amérique méridionale, il y a peu de gouvernemens, j’entends de gouvernemens paisibles et réguliers. Il n’en est en réalité que deux : celui du Chili et celui du Brésil. Partout ailleurs il n’y a que confusion et désordre. Le gouvernement anglais envoie au Brésil un homme fort habile, M. Ellis, avec la mission de renouveler et d’améliorer, si faire se peut, le traité de 1827. Il est plus que probable que la mission sera remplie à la satisfaction du gouvernement anglais. Nous ne songerons