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DE L’UNION COMMERCIALE.

M. Talabot fait valoir dans les termes suivans : « Pour peu qu’une réduction des tarifs eût d’importance, elle mettrait les Belges en position de rallumer successivement les 28 hauts-fourneaux éteints dans ce pays, de manière que tel abaissement donné du droit mettrait la Belgique en position de nous livrer annuellement 100 mille tonnes de fer à la houille, l’équivalent précisément de ce que nous fabriquons. Notez bien que ces 100 mille tonnes seraient produites, presque en totalité, par des établissemens aujourd’hui éteints, pour lesquels donc il n’y a plus de capital de création à compter, et par conséquent d’intérêts à servir pour le capital immobilisé. »

Nous avons répondu par avance à ces hypothèses ; mais, s’il faut insister, nous rappellerons que la Belgique, loin de pouvoir produire cent mille tonnes de rails, en excédant de sa consommation annuelle, n’a jamais fabriqué, au plus fort de cette fièvre de production qui a laissé après elle tant de ruines, plus de 135,000 tonnes de fonte, dont 6,000 étaient destinées à l’exportation, et dont 67,500 seulement ont été converties en fer. L’établissement de Couillet, cet épouvantail de nos manufacturiers, n’est pas monté pour confectionner plus de 11 à 12,000 tonnes par an ; c’est le chiffre auquel atteindra Decazeville à la fin de 1842.

On parle des capitaux amortis par la faillite. Si c’est là un avantage, les usines de la Belgique ne le possèdent pas seules. M. Talabot nous apprend, en effet, à la page 18 de son rapport, que l’établissement de Terre-Noire, avant d’entrer dans la phase de prospérité où il se trouve en ce moment, avait ruiné plusieurs compagnies, à une époque peu éloignée ; l’établissement du Creuzot en a ruiné au moins une sur trois ; et quant à Decazeville, il n’y a pas long-temps qu’il commence à distribuer des dividendes à ses actionnaires, ce qui le met à peu près sur le même pied que les établissemens que la Société générale a fondés.

L’industrie belge ne recommencera pas, en vue du marché français, la folle et ridicule campagne qu’elle avait entreprise en 1836. Il faut admettre que les fautes passées servent de leçons aux peuples. Mais, s’il en était autrement, si les mêmes extravagances devaient se renouveler, si les usines belges tentaient encore une fois de convertir en fonte et en fer le sol qui les porte, alors les prix de fabrication s’augmenteraient nécessairement pendant que le prix de vente s’avilirait, et notre industrie n’aurait qu’à laisser passer l’orage qui accablerait bien vite ceux qui l’auraient excité.

L’industrie métallurgique en France comprend deux espèces différentes de produits, le fer à la houille et le fer au bois. La Belgique produit peu de fer au bois, et, dans des qualités inférieures ; elle n’a qu’une seule fabrique d’acier. Dans l’éventualité d’une association commerciale, voilà donc une difficulté à écarter. Le fer entièrement fabriqué au bois, qui s’élève en France à 70,000 tonnes par an, n’a rien à craindre de la concurrence belge. La fabrication du fer mixte, qui comprend 107,000 tonnes, est également fort peu menacée.

La difficulté ne porte donc que sur les 52,500 tonnes de fer fabriqué exclu-