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teurs eussent prévu ce qui les attendait, ils se fussent donné moins de peine pour faire sir Robert Peel premier ministre.

Pour le tarif comme pour l’income tax, je vais indiquer les questions qui furent le plus vivement débattues dans le parlement, et la solution qu’elles reçurent.

Il existe en Angleterre un mode de procéder simple, commode et souvent employé : c’est de faire précéder la présentation d’un bill par une série de résolutions qui subissent les mêmes épreuves, et qui permettent à la chambre de se prononcer d’avance sur les dispositions que le bill doit contenir. Une fois ces résolutions adoptées, le bill, rédigé conformément aux votes acquis, est déposé sur la table, et ne donne plus guère lieu qu’à des débats insignifians. C’est cette forme que sir Robert Peel avait adoptée pour l’income tax ; c’est celle qu’il adopta encore pour le tarif. À peine s’était-il rassis, après avoir prononcé le discours dont je viens de parler, que M. Hume se leva pour exprimer sa joie de voir les principes de la liberté commerciale ainsi reconnus et consacrés. Deux membres tories, au contraire, MM. Palmer et le colonel Sibthorp, s’empressèrent de déclarer que le discours du premier ministre était un tissu d’absurdités et de faussetés. — « Ce n’est pas la première fois, ajouta l’un d’eux, que sir Robert Peel et le duc de Wellington réunis trompent le parti qui a eu confiance en eux. » Un tel début promettait, et cependant toute cette grande colère s’évapora dans un seul amendement, celui de M. Miles, qui, au nom du parti agricole, proposa de percevoir sur le bétail étranger un droit au poids au lieu d’un droit fixe. En combattant ses amis les agriculteurs, sir Robert Peel, au risque d’affaiblir le mérite de sa mesure, se donna d’ailleurs beaucoup de peine pour leur démontrer qu’ils s’effrayaient à tort, et que l’introduction du bétail étranger changerait peu de chose au prix actuel de leur marchandise ; mais ils ne se laissèrent pas convaincre, et 113 voix contre 380 donnèrent la mesure exacte de leurs forces. En décomposant ces chiffres, on trouve, dans les 113, 97 tories et 16 libéraux ; dans les 380, 218 tories et 162 libéraux. La grande majorité des tories s’était donc exécutée et avait suivi son chef. Quelques-uns d’entre eux n’en trouvèrent pas moins fort mauvais qu’on eût réduit le droit non-seulement sur les bœufs, mais sur le beurre, sur le fromage, sur les pommes de terre, en un mot sur tout ce qui se mange ; ce qui fit dire assez plaisamment à M. Wakley : « Il est bien heureux que le peuple ne puisse manger du bois. S’il le pouvait, jamais sir Robert Peel n’eût osé proposer la suppression du droit. »