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FEU BRESSIER.

sirer de plus, et surtout à rien préparer ; aussi fut-elle saisie d’effroi quand elle entendit marcher dans le jardin.

— Oh ! mon Dieu ! on vient ! Paul, sauvez-vous.

Paul pressa sur ses lèvres la main de Cornélie, et se précipita vers la petite porte, mais il y trouva un homme qui la gardait ; Paul n’hésita pas, se jeta sur l’inconnu, le renversa, et s’échappa par-dessus son corps.

C’était le jardinier, qui s’écria : Quoi ! c’est vous ?

Pour Cornélie, demi-morte de frayeur, elle avait regagné sa chambre, et s’était mise au lit précipitamment ; mais, si sa mère était venue placer la main sur le cœur de la pauvre fille, elle aurait tout compris à ses battemens violens et irréguliers.

Peu à peu elle se calma. Elle avait entendu le jardinier ; il avait reconnu Paul Seeburg, dans deux heures son père saurait tout ; c’était le but qu’elle avait voulu atteindre, et beaucoup plus tôt qu’elle ne l’avait espéré, et cependant elle avait peur à un degré qui lui faisait par momens regretter son imprudence. Elle se répétait les paroles de son père à propos d’une circonstance semblable, et elle s’exhortait elle-même au courage en se faisant voir en perspective le mariage et le bonheur. Malgré tout cela, elle n’osa pas descendre déjeuner, et fit dire qu’elle était malade. Sa mère vint près d’elle et la trouva endormie, car elle avait fini par céder à la fatigue et aux émotions de cette nuit sans sommeil.

Pour M. Morsy, il était extrêmement agité. Le jardinier lui avait rapporté qu’ayant, vers deux heures et demie, entendu parler dans le jardin, il s’était levé, en avait fait le tour, et, trouvant ouverte la petite porte du bois, n’avait pas hésité à penser que les gens qui s’étaient introduits dans le jardin comptaient s’en aller par le même chemin ; qu’au lieu de les poursuivre inutilement dans le jardin, où la nuit leur aurait permis de l’éviter, il s’était tranquillement posté à la porte ; que là en effet il n’avait pas tardé à voir arriver un des maraudeurs, mais que celui-ci s’était jeté brusquement sur lui, l’avait renversé et s’était enfui.

— Du reste, monsieur, ajouta-t-il, au premier moment, j’ai cru le reconnaître ; puis, en y pensant, j’ai vu que c’était impossible.

— Et qui as-tu cru reconnaître ? demanda M. Morsy.

— Non, c’est impossible, c’est trop bête.

— C’est égal, dis-le.

— Je n’oserai même pas vous le dire, tant cela n’a pas le sens commun.